Wednesday, June 13, 2007

Ré (Hélèna Villovitch)







(Ré, lundi 19 février 2007.)
Hélèna Villovitch

Pour Hélène Gourvil






L’agacement vous arrache du couple et vous entraîne dans votre « vieux moi ».






Le couple, les obligations, les racines… Les arbres remuent leur vie.






Son album est « g(u)enial ». Et quand on dit « g(u)enial », c’est pas « g(u)enial », c’est « g(u)enialissime » !






Le doré, la couleur dorée. Le soleil est au bout du chemin.






Ce qui nous a un peu inquiété, c’est que la mer ne bougeait pas (de la fenêtre). Pourtant toute proche.






On en voyait les vagues comme gelées, arrêtées.






Les problèmes se résolvent les uns après les autres dans cette maison de Lacan.

En fait, on réalise, c’est marée basse.






Les vagues sont les sillons du sable avec l’eau en miroir restée dans les creux.






En hiver, à l’Île de Ré, en février, les ciels sont comme en Russie.
Malgré le radin soleil.






Si tu es le diable, chat noir, je suis une partie de toi-même. Je te raconte cette histoire parce que…






La maison explose de douceur.
La maison vaste. Un homme et une femme. Les fenêtres, les vitres, la maison…






Désarticuler à ce point les harmonies intermédiaires.
La condition féminine, les fées, Dieu, les lectures.






À l’Île de Ré, les plages d’ombre et de lumière entourent l’île fertile.






L’île dans l’île, c’est le sel, le jonc, la sagesse. L’aigrette explose la sagesse.






Envisager la vie et la vivre. Une manière.






Souvenir d’hiver, souvenir de printemps, vacances dans le passé. Variétés des apparences. Massifs d’incertitudes et d’hébétudes.

Je dirais : « hébétudes d’ébène ».






Le chat libre, la poupée de santé.






Les fourmis attaquent à l’acide les fleurs violettes et jaunes qu’elles ne connaissent pas. Les fleurs deviennent rouge lilas.






Les papillons, en cette saison, entrent dans les maisons.






La nature protège des atmosphères lourdes de « conversation avec les morts ».






Depuis qu’il y a des documents… L’homme insatisfaisant.
Et la grande nature m’insulte !






La différence des sexes, oh…, nous accable, nous contraint à passer – trépasser – par le fil du désir, du rasoir.






Ajonc, dynamisme ; olivier, régénération ; moutarde, joie.






« J’adore cette maison ! » dit Hélèna Villovitch en montant l’escalier sous le puit de lumière qu’elle adore en traînant la patte.






Elle a pris un bain immense ; elle est plus blanche que blanche. Elle s’est habillée d’une robe enfantine et claire, crème, pastel de février.






Son homme (c’est moi) est malade.
son homme de substitution, d’emplacement, son compagnon, son copain qui l’empêche de se mettre la tête dans le four. Un peu malade.
Juste un peu. Un peu, comme l’île.






L’île a une forme humaine un peu malade. Sa population, ce sont des poux, pas des paons, en cette saison.






Pourquoi meurtrir, dormir ? Pourquoi gêner ? Au Groenland, en Antarctique…






« La maison de Lacan et de Sylvia Bataille. »



Héritiers : Laurence Bataille, la fille de Georges et de Sylvia Bataille et Sandra Basch, la fille de Laurence et d’André Basch.






Les fleurs du docteur Bach. La verveine, sérénité ; le chèvrefeuille, vivre au présent ; le pin, le respect de soi.

Être un héros.






« Les héros sont ceux qui font. » dit Anna Mouglalis avant de retirer la phrase, comme souvent par peur de la banalité.






Hélèna Villovitch décide de lire à mes côtés.






Elle a les pieds froids. Très petits pieds. Elle lit un livre – qui parfois la fait rire – de Jay McInernay : La belle vie.






Jeanne Hyvrard a-t-elle lu La poudre de sourire pour écrire Mère la mort ?






Ou l’autre, pour écrire La poudre de sourire, a-t-elle lu Mère la mort ? Des correspondances singulières.






J’aimerais proposé des titres pareils.







Hélèna Villovitch : « La piscine magique, ce serait génial…
– Wouah, génial !
– Mais, tu sais, on l’a dit : La piscine magique, ce serait les histoires drôles.
– On l’a dit ça ? Ah, j’avais oublié. »






« Ils isolent les mourants de peur de corps-prendre leur question*. »

(*en Anglais américain dans le texte.)






« Un vrai plagiat, c’est reprendre le texte in extenso. » (Hélèna.)






« Ils n’osent plus réciter le b.a. ba aux agonisants.
Phrase gagnée : les filles emmurées.
Ils ne savent pas comparer les mains coupées.
Ils ont fait de la mort un record absolu. »






Hélèna Villovitch : « Tu sais, c’est peut-être du collage tout simplement, c’est peut-être des collages de trucs de « Paris-Match ».






« J’imagine bien ça, elle colle sur les murs de sa chambre des collages de « Paris-Match », des gros titres de « Paris-Match » (avec des photos). »






« Peut-être que ce livre a été écrit par ses héritiers à partir de ce qui était écrit sur les murs de sa cellule parce qu’en fait elle a été internée toute sa vie… »






« T’écris toujours dans ton lit les fesses à l’air ? » Cette phrase l’amuse beaucoup, elle l’a répète plusieurs fois.






« Comment écrivez-vous ? Sans slip avec des chaussettes. »






« Une définition pour les succédanés d’organes.
Une table de probabilité pour les pêches d’assurance.
Ils nous ont attaché des grelots au cou et ils disent : « Voyez les folles qui passent. »
« Puisque les fourmis mangent du rouge la terre entière mange du vert. »






Hélèna Villovitch : « Si c’était un mec, il dirait : « Ils nous ont attaché des grelots » …et que la phrase s’arrêtait là, ce serait un mec ! Et « …au cou », c’est une femme ! Bin, oui : « Ils nous ont attaché les grelots », les couilles, non ? »






« Le trou du vide, le plein d’amour. »






« En fait, c’est de l’expressionnisme ! Y a des chapitres ou c’est comme ça pendant des kilomètres ? C’est un ruban, ce truc là, ou y a différentes sections ? »






« Les grenouilles croassent dans mon cœur et la mort mène l’enquête dans ma mémoire. La mémoire d’une horreur qui ne peut plus cesser… C’est à dire que ça n’a aucun intérêt : personne n’a envie de lire ça sur la plage ! »






Hélèna Villovitch : « C’est peut-être ce qu’a lu mon éditeur avant d’aller se noyer…
– Il s’est noyé ?
– Tu sais bien, Olivier Cohen, je t’ai dit, mais il est pas mort, mais… »






« Dans cette maison, y a Olivier Rubinstein qui vient dormir. »






« Christine Angot, je sais pas où elle a dormi… Dans la petite chambre biscornue là-bas au coin. »






« Peut-être les acides rouges de la fourmi mère, le mouvement même de la mort à l’œuvre, point. »






Hélèna : « La pauvre ! Un seul lecteur et il se fout de sa gueule ! »






Ils nous ont ligoté nos grelots.






« C’est ça, la phrase importante (Hélèna lit par-dessus mon épaule) : « Il paraît que Christine Angot a passé une nuit ou deux chez moi. »
– Non, pas « chez moi » : « ici »…
– Oui… »






« Je vois bien un bureau. Je vois bien des collègues de bureau.
Pas que ça.
Je vois bien une situation dans un bureau et une situation dans un appartement. »






« Avec l’un qui passe de l’un à l’autre. Mais ça fait trop Vinaver. »






« En même temps, on s’en fout. C’était très fort, La démission… Tu connais ?
– Non, j’ai pas vu.
– Le licenciement, peut-être, ça s’appelle…
Peut-être essayant de pas se faire virer (du côté du bureau), faisant des compromis… »






(Hélèna Villovitch, à propos du projet : La piscine magique.)






Un amas de rochers au-dessus du village. (On lâche les colombes dans le ciel de Matisse.)






« Il faut bien torturer les personnages. » me dit Hélèna Villovitch.






Elle le tient d’un écrivain américain qu’elle avait interviewé.






Elle me dit aussi : « J’ai interviewé Salman Rushdie deux fois et, à chaque fois, il a dit à son attachée de presse :






« Ah, voilà, ça, c’était l’interview la plus agréable de la journée ! »






Il lui a dit : « Today’s bad news is tomorrow’s material. » C’est une phrase qu’elle a prise pour elle.






« Je l’ai pas mise dans le papier, je l’ai prise pour moi. »






Reconstruction du bonheur, reconduction.
Au début, on écrit toujours sous influence.






Les fleurs, la nature pousse en accéléré. On voudrait pouvoir décrire l’endroit du monde où l’on se trouve.






Assez vite vient le mot « tellurique ». Plein d’eau. Tarkovski.






Tarkovski crève le texte et (pour ceux qui connaissent) donne exactement la richesse de cet endroit.






Chacun des oiseaux, affairé, on l’aime personnellement.






Ils s’occupent peu de nous, mais ils sont majoritaires, tellement. Millions d’oiseaux.






Nous n’avons, Hélèna et moi, que quelques noms à disposition : mouettes, goélands, canards, aigrettes…






auxquels nous essayons de rattacher les oiseaux étranges et fabuleux, inédits et familiers que nous…






Nous nous promettons de regarder un guide dans une Maison de la Presse de l’un des bourgs.






L’Île de Ré, cette inconnue. En février 2007. Une nuit d’amour, un roman de moins. Misère d’être heureux.






On ne peut pas toujours jouer la comédie du bonheur, c’est une question de conscience, d’élargissement de la conscience.






Donc : misère d’être heureux.






Hélèna Villovitch (quel nom délicieux…) a aimé le premier texte de moi publié dans la revue « If »,






elle le trouve pétillant, plein de lumière (ou peut-être d’autres mots, je n’ai pas écouté, faux modeste).






Elle est contente d’y apparaître. C’est vrai, ça aussi, moi, j’en suis content.






Comme si je révélais d’avance au lecteur du journal people le ragot de la saison suivante.






Je ne savais pas, je n’en savais rien en novembre et ça paraît maintenant, la revue, en plein dedans !






« LOVE AFFAIR AVEC HÉLÈNA VILLOVITCH »






Hélèna Villovitch censée être désespérée après la rupture avec son ami… (C’est même comme ça qu’elle a eu la maison.)






…et on rigole comme des bêtes et on baise toute la journée !






De temps en temps on fait une balade, mais tellement tard qu’on rentre dans la nuit.






C’est beau aussi toutes ces surfaces miroitantes, les marais, les routes cyclables rendues brillantes par la pluie.






Nous n’avons pas de lumière en état de marche comme souvent avec les vélos de location.






Les oiseaux, parfois, font semblant de dormir ou il y a des insomnies, quelques froufrous expressionnistes… Certaines lectures…






Ici, « ici », la maison est pleine de livres, la maison de Lacan et de Sylvia Bataille.






Il y a quelques livres de psychanalyse de Laurence Bataille en plusieurs exemplaires.






Il y a des dossiers de notes manuscrites, je ne pense pas de Lacan (ça a dû être ramassé).






Il y a une lithographie d’André Masson, c’est tout.






Sinon la maison superbe et grande est disponible et vide comme une maison de vacances qui voit passer toute sorte de gens, des enfants…






Mais beaucoup de livres, très bon choix, certains dédicacés, bien sûr,






mais pas d’impression de musée comme la Maison de Copeau à Pernand-Vergelesse.






Cette distance entre la sensation et l’écrit, c’est un monde.






Stendhal dit : « Je n’ai aucune mémoire des époques où j’ai senti trop vivement. »






Et l’adéquation du projet d’écriture avec la proximité, l’entourage, l’incorporation de la nature…






je ne sais plus ce que je voulais dire… Si, les canards, tout ça…






C’est quasiment une nécessité mystique, une nécessité sacrée.






En tout cas, il y a Guyotat. Il montre comment vivre tout de même…






Le fin du fin n’est pas d’écrire un livre, mais qu’un jour quelqu’un écrive un livre sur vous, fasse de vous un personnage.






Le téléphone, joie du téléphone. J’ai appelé Hélène à l’hôpital. On l’opère demain.






J’étais sur le port, complètement seul à lui parler, à converser – et, plus tard, Herman m’a appelé : il s’était occupé de tout.






Circulation merveilleuse : Herman, Hélène, Hélèna…






Hélèna qui parle merveilleusement au téléphone, admirablement, très douée pour la vie, me transmet aussi les bonnes nouvelles.






Son éditeur lui offre une avance, lui propose un contrat pour son grand œuvre : Bouvarde et Pécuchère.






Rien ne vaut de ce que je dis (d’approximatif) que pour les oiseaux.






La nature, c’est pour poser pied.






Mais c’est aussi pour s’éloigner des « maladies » humaines, des contingences. « Rien ne se fait sans les autres. », etc.






Pour retrouver une solitude, même si cette solitude est inachevée. (La nature est inachevée et familière.)






Jeudi 22 février 2007, 00:33.










Bleu noir






Bleu noir et bleu blanc. Ce soir-là, le reste est accessoire.






Le lendemain. Le lendemain, c’est encore les vacances. Il fait un tel soleil, mais on traîne dans la maison comme si c’était Noël.






Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. Le monde est tout ce qui a lieu. Un éclair unique au chocolat.






Donc un voyageur éreinté arrive à – un château ? une auberge ? Des palefreniers muets emmènent son cheval.






Éthique et étiquette.






Automne au bord de la mer. Hélèna : « Perle », c’est « gris ». Le long de la rue principale du village.






Ciel délavé. On ouvre la fenêtre. Gris russe. Il y a eu une tempête infernale, cette nuit, volets qui claquent.






Et Hélèna n’en a rien su bien que je le lui ai dit et qu’elle m’a semblé acquiescer. Elle porte des boules Quiès parce que je ronfle.






Les projets d’aujourd’hui, ces journées de cinq minutes : travailler ou sortir ? Le temps n’est pas très beau. Mais :






« Je voudrais revoir les oiseaux.
– Moi aussi.
– Mais pas aussi loin qu’hier, juste là.
– Moi aussi, je voudrais me balader sur le port. »






C’est l’hiver, mais l’hiver, oui, comme une saison imaginaire, une saison parfaite, pleine, inentamée.






Il n’y a pas la foule de l’été, c’est une saison que personne ne connaît, sauf quelques initiés, les oiseaux.






Les oiseaux migrateurs connaissent l’hiver à l’Île de Ré.






On peut percevoir que la vie est une respiration, que tout le monde baise avec tout le monde et que ça s’appelle : respiration.






L’eau, elle est manifeste, elle n’est pas cachée.






Elle est majeure, mature, elle est liquide et festive, boueuse et propre dans les anciens marais salants, les piscines, les ras de terre.






Les oiseaux s’arrêtent là, dans leur hôtel quatre étoiles, cinq, leur villégiature.






La nuit, nous traversons le pays comme en mer, éclairés par la lune, croissant fin (croissant suffisant), orfèvrerie.






Qu’est-ce que l’hiver quand on laisse les fenêtres ouvertes en hiver ?






Qu’est-ce que l’hiver quand la nuit est aussi détaillée et fraîche que le jour ?






Quand il n’y a rien que l’amour à l’état pur entre deux amants inconnus ?






Faulkner, Les palmiers sauvages, les couleurs sur le livre sont les mêmes que celles des volets sur les murs de l’île.






Mais je choisis de lire Modiano, c’est trop beau… S’il me faut « travailler ». Hélèna, elle, gagne notre vie. Elle écrit au « Elle ».






Elle écrit Bouvarde et Pécuchère ; elle écrit La piscine magique ; elle écrit le livre pour enfant ; elle veut écrire pour Avignon…






Elle écrit vraiment.






Et son sexe s’ouvre comme un pays, un nouveau territoire, le territoire intérieur.






Le fracassement des cloisons, la douceur de l’unisson.






Hélèna Villovitch est un pseudonyme.






Il est temps de révéler son deuxième surnom, Elena Villobitch, qui lui avait été donné lors d’une performance






« au… au Palace, je crois… »
en compagnie du chanteur John Sex.






L’intérieur de sa bouche aussi est un agrandissement de territoire.






Le temps, l’espace peuvent encore se creuser, au ras de l’eau, ras de terre.






On peut creuser, enfouir, grouper, fouiller, distinguer, capitonner, adapter…






Adapter… Adopter le pays comme un gant. Sensualité du bonheur, du non travail, du non ennui.






Paris ? À quoi ressemble Paris ?






La Rochelle, la citadelle, en barre l’accès. Nous pourrions tenir jusqu’à Pâques !





Moi qui n’existe que par l’espoir et qui suis un phénomène d’espérance.






Hélèna : « C’est le jour de sortie des aigrettes.

Y a des journées à thème sur l’Île de Ré.

On est arrivé la semaine du cul, ça tombe bien ! »






Les nouveaux noms : bernache cravant, tadorne de Belon, avocette élégante, échasse blanche, vanneau huppé, chevalier






gambette (Hélèna est sûre d’en avoir vu ce matin), bécasseau variable.






L’hiver possible, potable. L’égalité, l’exactitude.
Il avait tout abandonné sans s’enfuir de la ville.






À une heure avancée de la nuit, ils sortirent ensemble dans la rue.






Qu’est-ce qui brille dans la nuit ? À gauche et à droite, en haut et en bas ?






Hier, Hélèna a demandé à aller voir l’église.






Depuis le début elle comparait ce clocher à une fusée – moi, à un crayon.






Elle avait raison, c’était vraiment la forme de la fusée Ariane. Néanmoins, je n’arrivais pas à fixer l’image.






Je ne voyais pas la fusée tout au long de notre voyage, je n’y croyais pas.






Par la porte, à moitié nue et à moitié visible, en chemin pour son bain, Hélèna : « Moi, dans mon histoire, j’ai pensé à toi et il y a une petite fille qui s’appelle Brouette.
– Une petite fille qui s’appelle Brouette ?
– Mm.
– C’est mignon. »






On est arrivé sur la place immense et en travaux, on est resté au bord, le clocher et l’église toute entière, centrale.






Le clocher repeint de frais, semble-t-il, blanc et noir.






Hélèna ne l’imaginait pas du tout comme ça (ah, voilà, la fusée…), mais en béton.






Mais non, mais non, c’est ancien.






Toujours le chat, lui aussi maître des lieux, aussi vivant que moi.






Et un homme est arrivé vers nous et nous a dépassé,






portant deux valises, une grosse beige et une sorte de sac de voyage en cuir marron,






– j’ai dit : « remplies de billets ». C’était lourd, il les a posées et les a échangées.






Tout ça en pleine nuit avec les yeux du chat, sur la place déserte à cause de l’hiver, la nuit, les travaux.






L’amour platonique, les nuages…

Celui qu’il avait sauvé des flammes…

Celui qui n’avoue pas son nom…










Blouson d’hiver






Blouson d’hiver.






L’Île de Ré fait sauter des verrous. Les barrières, les barrières politiques, les barrières de l’Europe sont insignifiantes.






Et combien, quelle quantité de malheur a eu lieu au nom de ces insignifiances ?






Ou alors il faut avouer que l’homme est « naturellement » belliqueux – et contemplatif, naturellement.






Et l’oiseau, il est naturellement quoi ? Migrateur.






Hélèna, sortie du bain avec une serviette à rayures rouges et blanches qui lui fait comme une robe d’été va à la fenêtre :
« Oh, quel drôle de temps !
Tu sais, y a de la brume au fond.
– Au fond ?
– Du paysage. »






Napoléon considéra le fleuve, descendit de cheval, et s’assit sur une poutre le long du rivage.






Sans dire mot, il se fit, d’un signe, apporter sa longue-vue, l’appuya sur l’épaule d’un page qui, tout heureux, s’était empressé d’accourir, et se mit à examiner la rive opposée.






Puis il se plongea dans l’étude de la carte étalée sur des troncs d’arbre.






Sans lever la tête, il prononça quelques paroles et deux de ses aides de camps galopèrent vers les uhlans polonais.






Quand l’un deux les eut atteints un murmure parcourut les rangs :
– Qu’a-t-il dit ? Qu’a-t-il dit ?






De ma chambre (celle où je me suis posé depuis mon arrivée), je peux voir, juste avant de la voir, Hélèna dans le miroir.






Mais elle me dit qu’elle aussi me voit dans le miroir avant de me voir directement.






Deux images indirectes se forment dans les apparences.







La porte absolument toujours ouverte, cela fait partie d’un ordre décidé, de même que les vêtements sont portés à regret.






Les miroirs finalement sont nombreux dans la maison, toujours placés judicieusement.






Miroirs annonciateurs et ceux où l’on peut voir sa propre splendeur sortie du bain régénérant de l’amour.






Où l’on s’admire enfin, muscles et chair gonflés, le sexe enfin dans sa raison.






« Le plus beau couple de New York », comme on dit chez Jay McInerney, en quatrième de couverture.






Elle, ne peut plus s’empêcher d’être immarcesciblement femme, de toutes les apparences.
Des marais d’eau salée.






Et la mer, matière épaisse, opaque (verte), pas transparente du tout, comme du bois d’acajou.






Et le sable gris comme du métal, du mental, de l’or gris – tout mat, opaque, riche. Et le ciel, d’où viennent ces torrents, au départ.






Et le cerveau d’Hélèna : blond. Surtout quand elle me prend ma queue. Un gris épais, une surface lourde de lait. La mer, grande sœur.






On aime tellement se balader, la nuit, ici, parce qu’au crépuscule, ça s’agrandit encore.






Le pays, ici, est imaginaire. Ainsi notre passage sur terre. La vie… Univers ouvert en hiver.






La mer est le lieu premier de la richesse.






…Eux, pareils à des peintres, assemblent les beautés de la terre…






Une salle, une saison s’ouvre.
Hélèna disait : « J’avais l’impression qu’il n’y avait pas de murs. »






Une île dans l’île, le lustre tournoyait. Saison près des sources. Les alvéoles, les meurtrissures, tout à plat.






Les oiseaux restent en villégiature. Les oiseaux naviguent, mer, vent, mais viennent ici.






Ici : saison tournante, dans l’appartement…






La vie se retourne, se suspend, Hélèna dit : « Je suis en train de changer. (Temps.) Je le sens. » Au « Café des Alcooliques », à Loix.






Le pays, les pays, les marais, la mer, l’eau protéiforme, les lamelles de terre, de vase, les îles dans l’île,






on a essayé de les voir comme on pouvait, tout à l’heure, avec les couleurs métalliques,






vus du ciel à la Yann-Arthus Bertrand (mais l’ami qu’Hélèna quitte s’appelle Jan…)






ou par l’art contemporain de Nicolas Moulin, la science-fiction, les jetées, les plages de béton,






l’enfilement des marais larges comme des autoroutes vers l’horizon comme les bassins dans le parc de Versailles.






On a essayé de les voir, les paysages des marais dans le crépuscule d’étain, silencieux et pleins, comme des miniatures.






Pas de saisons, pas de sens. Noël et la neige aussi bien. Un hiver, les vignes et la neige.






On est passé devant « le château », Hélèna avait du mal à admirer la BMW que je lui montrais (lui faisais miroiter…)






– mais, à travers la fenêtre, le long tableau d’un paysage de neige…






J’aime Hélèna Villovitch aussi parce que quand elle disparaît (ici, dans la chambre d’à côté), elle disparaît vraiment à l’infini.






Elle est, comme on disait de Bulle, présence-absence. Je sais où elle va. Elle ne peut pas se perdre.






Là où elle va, elle agrandit le chemin.






Ne m’a-t-elle pas dit tout à l’heure que, seule, elle avait bien le sens de l’orientation, mais qu’avec quelqu’un, elle le perdait ?






La maison comporte de nombreuses chambres.






…d’aussi docile, d’aussi pénétrante…






Les mots plongent comme des piqûres dans les affres et dans la mort.










Yves-Noël Genod, samedi 24 février 2007, 13:00.










« Moi, j’t’adore.
– Tu m’adores ?
– Oui.
– C’est gentil ».






Pleurer sur les choses, à son insu.





Dernière nuit à l’Île de Ré.






There needs no ghost, my lord, / To tell us this.






L’aube fragmentaire, frigide, dans quelques minutes.






Je n’ai pas dormi de la nuit : insomnie, donc, mais j’ai travaillé. Écrire, travailler. Prise sur le sommeil.






Quand l’amour occupe la nuit, où écrire, travailler, penser ?






Parfois l’insomnie est angoissante, parfois, c’est un départ.






Vous pensez entendre un oiseau… vous l’entendez.






L’insomnie (l’aube) est une nuit magique. L’estran est immense à cette heure, à cette époque de l’année – et fragile.






Vous entendez maintenant l’oiseau plus fermement, comme d’un jardin.






Le terme du temps est immense.






Silence éblouissant – dont la présence infinie de cette femme qui dort (mais cela ne regarde que moi)






…n’est pas, très loin de là, sans participer.






Elle me conduira… Elle me conduira vers les pays du Sud, de l’Est… même si… elle s’absentera.






L’oiseau, d’un autre détour (après l’avoir écrit) est passé réellement de l’estran au jardin.






La maison est vaste et pleine de côtés, tournoyante. Je n’y vois pas de murs, cloisons amovibles, charmantes, nuageuses.






La mer à l’infini forme une plage.






Il me reste quelques heures, quelques minutes pour ne plus jamais quitter ce pays, ce printemps, cet hiver russe.






La mer chargée de possible avec le bateau échoué, les gens rencontrés.






Leurs visages, nous le remarquions, sur ce fond, familièrement humains, rencontrés précisément quelques secondes.






Ce n’est pas une question de temps, mais d’espace.






Quelques personnes : « Les Bigorneaux » (avec le chien), « Les trois pédés », « La folle »… – communauté des vivants.






Fille amputée ou garçon féminisé ?






Il suffit d’écouter la poésie pour que s’y fasse entendre une polyphonie et que tout discours s’avère s’aligner sur plusieurs portées d’une partition.






Ordre et volupté de l’amour.






Sublime reprise par le hautbois.






De la chambre de la maison de Lacan, à l’Île de Ré.






Le ciel bleu, ciel cercueil, les nuages friands et la reconstitution de la névrose infantile.






Derrière la bibliothèque se trouvait… Coincé et plaqué contre le mur…






Un roitelet fuyait une belette.






Mais déjà elle lui avait arraché les plumes de la queue et on voyait, à la place, une tache sanglante.






Alors l’oiseau se retournait et faisait avec ses ailes un geste d’impuissance.






Hélèna s’est levée. Elle non plus (contrairement à ce que je croyais) n’a pas bien dormi. Elle ne veut pas quitter cette maison.






Elle m’a demandé si j’ai pensé à l’oiseau mort.






Dans sa chambre nous avons découvert un oiseau mort plaqué au mur blanc quand nous avons déplacé la bibliothèque à cause d’une fuite d’eau.






Je lui dis : « Je m’en fous com-plè-te-ment de l’oiseau mort ! »






« Enfin… j’étais en train d’essayer d’écrire sur lui quand tu es entrée. »






« Mais « dans la vie » je m’en fous complètement. »






Hélèna, partie petit-déjeuner.






Comme tout va vite ! La vie, sa consolation, sa représentation, le manque de sa représentation, la lumière, la saison, l’horaire…






Hélèna, ma femme.






Une semaine d’une sorte de voyage de noce, honey moon – et elle est ma femme.






« Je t’aime. »










Noirceur des champs de bonheur






Noirceur des champs de bonheur. La poussière verte (du printemps – printemps précoce). Tout pousse. Verge et verge.



Les fils délabrés.
Le val reconstruit. Tuilerie, je laisse à Celan… (le « soin » d’en parler).






Quel malheur fou, luxuriant





Quel malheur fou, luxuriant.



Une noirceur solitaire, métaphysique – On peut le faire sans le dire. – Forêt de bois peint, de sapins.






De bois sans noms, mêlé à la terre, comme une broussaille, un poil rêche, vieux, sale, de clochard.






Le jeune vieux jeune clochard de Premier amour.






Tour avec le sein pointu d’ardoises comme Jean-Paul Gautier, soutien-gorge pointu Madonna.






Le clair bois transparent à l’écorce de serpent, chamarré, charmé, rivière d’arbres, barrière d’arbres, enchanté près de l’étang






nu, nus arbres, nu clair, nu de bois des forêts du feu.






Les cygnes placés à l’eau (flottille). Château, juste la puissance, les murs… Rocailles, poils. Poils-brosse, toison animal gratte.






Courbes de toutes les caresses du paysage, rêches. Cheminée d’usine en plein air, en plein ciel, en plein jour.






Les inondations – le cœur a ses raisons. Moutons comme des perles – sans huîtres – sous la ville.






Affaissement du paysage sous falaise, prairie. Ras. Poitiers (dont on ne sait rien… potier ?) Téléchargez à la vitesse du son.






Construction de palais, d’un seul jet. Groupe Soufflet. Des portes déjà à l’Ouest, prennent le neuf et l’ombre.






Trouées sans portes comme en Afrique. Bokassa. Diamants du cœur. Diamants du cœur.






On est cœur et de deux en deux, de deux en deux, de deux en deux, le corps, les vêtements, fille, garçon, dos, face, trois quarts.
(Travelling.)






Travelling le long du bâtiment d’un seul jet. Des oiseaux pour les villes.






Intermarché. Les Mousquetaires de la consommation.






…dans l’air et dans le ciel, dans le cœur aussi… Les miroirs lacs (ou larmes ?) de l’argumentation et de la nuit excellente.






Entouré comme il se doit d’êtres magnifiques : un wagon aux bestiaux. La garçonne se retourne sur son siège et je vois sa longueur.






Le jeune lecteur de Corneille – mère bonne sœur, un peu en vrac. Patine verte et foin et terre. Mur horizontal patiné, face au ciel.






Les ciels d’épures, pleins comme des oranges, traversables baudruches de miel.






Quelle musique elle écoute dans les fils ? Lecteur attentif (premier lecteur). Qu’est-ce qu’il peut bien raconter, ce Corneille ?






« Je ne me sentais pas bien à côté d’elle, sauf que je me sentais libre de penser à autre chose qu’à elle, et c’était déjà énorme, aux vieilles choses éprouvées, l’une après l’autre, et ainsi de proche en proche à rien, comme par des marches descendant vers une eau profonde. Et je savais qu’en la quittant je perdrais cette liberté. » Beckett, Premier amour.






…et par eux j’arrivais là où le verbe s’arrête, on dirait du Dante.










Maintenant les verts et les bleus tonnerre et le tracteur






Maintenant les verts et les bleus tonnerre et le tracteur.






Toujours les brosses des bois (ça va vite). Ça va vite, TGV, vers Paris, ça avale – et de plus en plus les couleurs se renvoient la balle.






Vert – verts de toutes les sortes et bleus gris, avec toutes les nuances, gonflés à bloc, parfois s’épanchant.






Grande déclinaison de tous les genres. Le ciel certainement « veut » nous dire quelque chose, est un pays d’abord traversable.






(On le perce avec les avions, les fusées, l’âme, la pensée, l’excitation.)






Grand dévalement d’un début de plaine.
C’est à dire, ça s’éparpille vers le fond.






Il y a encore des fleuves, mais prisonniers de la peur, des bijoux de corps.










Une adolescente si grande






Une adolescente si grande.
Presque gênée de se déplier, belle girafe – mesure plus que le train.






Et puis tout se résout encore par une autre histoire, par la fenêtre. On se dépêche de lire Premier amour.






Anne est au bar. Anne : Hélèna.






Évidemment, d’instinct je lui aurais fait un enfant.






« Moi, je trouve ça pas mal, 20 000 lieues sous les femmes. » Hélèna : « Je trouve pas ça génial, non. »






Un cœur de débutante






Jérôme Mauche déteste la nature, c’est moche. On aime ceux qui baisent de travers. Mort d’un poisson de rivière.






Mort d’un serpent de rivière.

Vos – actions – n’auront – pas – de – mesure.








Yves-Noël Genod

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