T'aimes les ? (Hélèna Villovitch)
T’aimes les ?
On roule à vélo sur les pistes cyclables de l’Île de Ré, je peine un peu à suivre Yves-Noël mais ça me plaît, je ne vois la route qu’en fragments désorganisés et serais incapable de rentrer seule chez nous s’il me semait vraiment, alors j’irais, je ne sais pas, tout droit jusqu’à ce que je rencontre la mer si je la rencontrais et la nuit serait tombée et je dormirais dans un fossé, y avait des fossés ? Je ne sais plus.
Tout d’un coup il s’arrête et me demande, t’aimes les bites ? Je ne comprends pas la question. Je prends ça pour une espèce de juron involontaire, genre syndrome de la Tourette. Quand même, c’est violent, grossier, on ne me parle pas comme ça. Je souris comme si je trouvais ça charmant mais c’est tout, pas une question. Il répète, t’aimes les bites ? Euh… Ouais. Ça ne lui suffit pas. C’est bien une question, et importante, même. T’aimes les bites ? Merde. Je ne sais pas répondre aux questions.
J’imagine un tas de mecs moches avec leurs bites pas propres et moi obligé de, je ne sais pas, les toucher, les prendre dans ma bouche. Je dis non, pas toutes.
Ça a l’air grave. Une fille qui n’aime pas les bites, ça craint.
Je pense merde, j’aime la tienne, c’est la plus jolie que j’aie jamais vue, en tout cas dans la portion de mes souvenirs que je laisse remonter. Je pense elle est rose ! Pas rose flamant rose mais rose rose pâle, et douce, et elle durcit lentement quand je la prends entre mes doigts, et ensuite elle devient longue et j’aime tellement en avoir envie et ensuite tu dis c’est bon… et même tu dis salope et même une fois pute et j’adore ça, la Tourette à ce moment-là ça me donne même une fois un long spasme, rien que les mots, ça fait un mal délicieux, on couche ensemble depuis trois, quatre jours, au début il avait dit non mais très vite c’était oui et c’était encore mieux d’avoir dit non avant, c’était pas si grave pour moi, on était amis, on dormait ensemble et c’est venu comme en plus de la tendresse avec ces mots qu’il sait dire et pas moi et je voudrais tellement, ça viendra s’il veut attendre et je ne sais pas si je l’aime, mais oui, sûrement, oui.
T’aimes les bites ? De plus en plus bloquée. Je ne pourrai plus jamais prononcer un mot de ma vie mais sourire, oui, ça je peux.
Trop con et trop intelligent en même temps. Un surdoué débile. Comme moi en amour. Je veux bien apprendre, je veux bien être la meilleure. Je n’ai pas peur. Paraît qu’on dit pas faire l’amour. D’accord avec les nouvelles règles. On dit quoi ? On dit baiser. J’aime ça. C’est joli. Moi je ne dis pas beau, beauté, sublime, ça me fait marrer, pas des mots pour moi.
Tu ne voudrais pas plutôt qu’on descende de vélo pour réfléchir à cette histoire de bite au singulier ? Qu’on se couche tous les deux dans le fossé ?
Les bites, putain, j’y pense encore, j’en sais rien.
HV, 14 juin 2007
On roule à vélo sur les pistes cyclables de l’Île de Ré, je peine un peu à suivre Yves-Noël mais ça me plaît, je ne vois la route qu’en fragments désorganisés et serais incapable de rentrer seule chez nous s’il me semait vraiment, alors j’irais, je ne sais pas, tout droit jusqu’à ce que je rencontre la mer si je la rencontrais et la nuit serait tombée et je dormirais dans un fossé, y avait des fossés ? Je ne sais plus.
Tout d’un coup il s’arrête et me demande, t’aimes les bites ? Je ne comprends pas la question. Je prends ça pour une espèce de juron involontaire, genre syndrome de la Tourette. Quand même, c’est violent, grossier, on ne me parle pas comme ça. Je souris comme si je trouvais ça charmant mais c’est tout, pas une question. Il répète, t’aimes les bites ? Euh… Ouais. Ça ne lui suffit pas. C’est bien une question, et importante, même. T’aimes les bites ? Merde. Je ne sais pas répondre aux questions.
J’imagine un tas de mecs moches avec leurs bites pas propres et moi obligé de, je ne sais pas, les toucher, les prendre dans ma bouche. Je dis non, pas toutes.
Ça a l’air grave. Une fille qui n’aime pas les bites, ça craint.
Je pense merde, j’aime la tienne, c’est la plus jolie que j’aie jamais vue, en tout cas dans la portion de mes souvenirs que je laisse remonter. Je pense elle est rose ! Pas rose flamant rose mais rose rose pâle, et douce, et elle durcit lentement quand je la prends entre mes doigts, et ensuite elle devient longue et j’aime tellement en avoir envie et ensuite tu dis c’est bon… et même tu dis salope et même une fois pute et j’adore ça, la Tourette à ce moment-là ça me donne même une fois un long spasme, rien que les mots, ça fait un mal délicieux, on couche ensemble depuis trois, quatre jours, au début il avait dit non mais très vite c’était oui et c’était encore mieux d’avoir dit non avant, c’était pas si grave pour moi, on était amis, on dormait ensemble et c’est venu comme en plus de la tendresse avec ces mots qu’il sait dire et pas moi et je voudrais tellement, ça viendra s’il veut attendre et je ne sais pas si je l’aime, mais oui, sûrement, oui.
T’aimes les bites ? De plus en plus bloquée. Je ne pourrai plus jamais prononcer un mot de ma vie mais sourire, oui, ça je peux.
Trop con et trop intelligent en même temps. Un surdoué débile. Comme moi en amour. Je veux bien apprendre, je veux bien être la meilleure. Je n’ai pas peur. Paraît qu’on dit pas faire l’amour. D’accord avec les nouvelles règles. On dit quoi ? On dit baiser. J’aime ça. C’est joli. Moi je ne dis pas beau, beauté, sublime, ça me fait marrer, pas des mots pour moi.
Tu ne voudrais pas plutôt qu’on descende de vélo pour réfléchir à cette histoire de bite au singulier ? Qu’on se couche tous les deux dans le fossé ?
Les bites, putain, j’y pense encore, j’en sais rien.
HV, 14 juin 2007
Labels: bites villovitch yves-noël genod ré lacan bataille flamant
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