Sunday, December 09, 2007

Réponses à un journaliste

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Votre spectacle sort tellement des cadres - et c'est salutaire ! - que je n'aimerais pas vous enfermer dans mes questions. Je ne sais pas comment vous faire parler de votre spectacle sans entraver cette liberté et cette fraicheur, la vôtre et la mienne de spectateur.

Mes propositions...

- L'improvisation

- Johnny, Jean-Jacques Goldman, Eddy Mitchell... Shakespeare, Corneille, Melquiot...

- L'héritage de Tanguy, Régy, Touzé

- La Villette, la crise de l'institution
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L'improvisation :
Improvisation totale pendant le temps de travail ; rien - ou le moins possible - n'est prévu avant le temps de plateau ni même la distribution. Un pied sur le plateau, tout commence, tout est improvisé, les solutions affluent. Avec le téléphone, on appelle les gens au fur et à mesure selon le besoin organique du travail, de l'invention. Il faut peut-être juste une idée de départ. Ici, par un effet du hasard, c'était un titre : Hamlet et un acteur, Julien Gallée-Ferré. Un mois plus tard, le spectacle ressemble à tout sauf à un solo de Julien sur le thème d'Hamlet. Quoique... on peut aussi le voir comme ça. Aucune - j'insiste : aucune - improvisation pendant le temps de la représentation, sauf celle inhérente au fait de jouer ("Jouer, c'est improviser." Bob Wilson).

Le logos, ce sont toutes les matières textuelles qui traversent le spectacle. Ce terme était employé au Théâtre du Radeau, un terme grec signifiant la raison, le verbe, le principe créateur et rationnel, etc. Il y a de grands et sublimes textes (qui peuvent être mal dits) et des choses beaucoup plus dérisoires qui peuvent sembler belles elles-aussi. Comme disait Rimbaud, "J'aimais les peinture idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rhythmes naïfs." Il n'aimait certes pas que ça. Mais ça aussi. Cher Rimbaud.

L'héritage : je leur dois tout - tout au moins à un niveau conscient - pour le reste, je ne sais pas... Claude Régy, dans une lettre de recommandation à mon égard qu'il avait gentiment envoyée à François Le Pillouer, le directeur du Théâtre National de Bretagne (et qui n'eut d'ailleurs aucun effet) terminait en disant : "En voilà un, au moins, qui ne me plagie pas !" J'ai essayé de faire des spectacles très différents les uns des autres et il y en a eu vingt ! Celui-ci est le vingt-et-unième. Certains sont plus Régy, d'autres plus Tanguy, d'autres encore plus Touzé (ou plus précisément, dans le cas de Touzé, se réfèrent à Morceau, le spectacle matrice qui m'a lancé, personnellement, dans la possibilité d'en produire à l'infini - comme les univers-bulles de champagne en création permanente que visionne l'astrophysicien Michel Cassé).

Pour la Villette, la crise de l'institution, je renvoie à l'article "Du désespoir" récemment arrivé sur mon blog. Juste ajouter : je n'aime pas avoir l'impression de déranger les gens. Dans le métier que nous exerçons, cette impression est récurrente. Et, à la Villettte, cette impression, c'est à chaque seconde de chaque minute de chaque heure que nous avons passé là-bas. Un mois de travail : une sorte d'enfer relatif. Une résistance énorme. Jamais plus, jamais plus ! (Mais si le spectacle est un succès, on y reviendra...) Encore une fois, je le souligne bien, ce n'est pas une question de personnes, l'équipe réunie autour de Frédéric Mazelli est merveilleuse et formidable, tout à fait dans le coup et très soutenante, mais ça ne suffit pas, le système en son entier, celui de l'Établissement Public de la Villette est la caricature d'une société carcérale de non droit et de non loi sinon l'illogique loi de la jungle. Personne, j'en suis persuadé, n'a besoin de spectacles dans ces conditions ! (Ni sans doute d'expositions.) Je suis pour la suppression pur et simple de cette branche de la Villette, pardon Frédéric, je sais que tu y tiens. Avant le contenu du théâtre, il faut le contenant. L'étymologie grecque du mot "théâtre" : l'endroit d'où l'on regarde.

Au plaisir, Arnaud


Yves-Noël

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