"Le Monde" de Pina
Trente façons de voir Pina Bausch
LE MONDE | 23.01.10 | 14h44 •
Montre-moi (ta) Pina. Pas très sérieux comme titre. C'est celui de la soirée imaginée par José Alfarroba, directeur du festival Artdanthé, au Théâtre de Vanves, qui vise à rendre hommage à la chorégraphe allemande Pina Bausch (1940-2009). Fan aussi, il désirait la saluer à sa manière. Quelques mois avant sa disparition, il avait lancé l'idée auprès de quelques chorégraphes.
Ils sont trente à participer. Le cahier des charges est strict : quatre minutes maxi pour la performance, deux musiques, deux costumes, mais autant d'interprètes que l'on veut en scène. Une fête pour Pina.
Cédric Charron, chorégraphe et interprète de Jan Fabre. "Pina, c'est un dinosaure. A la fois un monde ancien, un prédateur, une machine... Il en restera toujours un fossile. Je n'ai vu que deux pièces d'elle. Pour la performance, je traduis en quelque sorte littéralement le titre de la soirée : je montre ma... pina. Je ne suis pas chez Fabre par hasard. C'est un clin d'oeil. On y avait pensé lorsqu'elle était vivante et on avait envie de rire. Pina, c'est aussi ma seule audition, il y a dix ans.
J'avais 25 ans, j'étais encore étudiant à Bruxelles. Avec cinq copains danseurs, on a loué une voiture pour aller à Wuppertal. On s'est retrouvés avec 400 autres hommes à la barre. Une odeur de transpiration de mecs, incroyable. Une seule femme : Pina en bottes caoutchouc vert et bonnet noir. Très distante. L'ambiance n'était pas loin du film Fame. On a été virés : pas de base classique. Mais on était contents de l'expérience."
Yves-Noël Genod, acteur, danseur et chorégraphe. "Je ne sais pas encore ce que je vais faire comme performance. Je n'ai pas encore trouvé le costume... Je n'ai qu'un éventail chinois. Mais Pina, c'est moi ! J'ai tout appris avec elle du spectacle et de la vie. J'allais au mois d'août au moment des locations au Théâtre de la Ville demander à des abonnés qui ne "prenaient" pas Pina Bausch de la "prendre" et de me revendre leur billet. Après plusieurs années, on m'a fait monter dans les bureaux, et j'ai fini par avoir ce que je voulais : une place pour chaque représentation de Pina. J'avais ainsi toujours la même place au centre au rang C. Une fois, une danseuse m'a même demandé ce que je faisais là tous les soirs...
Ma première fois avec Pina, j'avais 17 ans, à Villeurbanne, c'était l'année du bac. Je ne pleure jamais et je me suis retrouvé comme une fontaine devant Bandonéon. C'est sans doute le spectacle le plus important de ma vie. J'étais avec une amie dont j'étais très proche. Elle était belle, intelligente (mention très bien au bac), sensible. Elle s'appelait Nathalie. Pour elle, il ne se passait rien : elle révisait sa géographie puisque la lumière reste allumée dans la salle. J'ai compris donc à 18 ans qu'on pouvait être très proches tout en étant aux antipodes devant un spectacle vivant."
Jeanne Candel, comédienne et collaboratrice du metteur en scène hongrois Arpad Schilling.
"J'avais 16 ans lorsque j'ai vu Le Sacre du printemps, de Pina Bausch. J'en ai 30, et cela a charpenté ma vie de femme et d'artiste. J'aime sa façon de saisir de petits détails, comme se gratter par exemple, pour leur donner des proportions énormes et les faire basculer dans une autre dimension, beaucoup plus folle. J'aime aussi sa drôlerie et sa cruauté mélangées.
J'ai décidé de m'habiller avec tous les accessoires symboliques de Pina (tutu, chaussures à talons aiguilles...) dont vont se servir ceux qui participent à la soirée. Je ferai en quelque sorte un strip-tease en chantant un blues dans un anglais imaginaire. Ou bien, ce sont peut-être les objets qui me tomberont des bras."
Thomas Lebrun, chorégraphe. "Je n'ai longtemps vu ses pièces qu'en vidéo. C'est en 2000, à Paris, que j'ai eu l'occasion enfin de les découvrir sur un plateau. J'ai toujours rêvé d'auditionner pour elle. J'en rêvais et j'en avais peur. Trop tard. Regret éternel. J'apprécie sa façon d'écrire des gestes comme des mots. Pour la performance, proche d'une pièce de deuil, je vais improviser en grande partie. Je serai en robe noire, avec une perruque noire aux cheveux très longs comme les danseuses chez Pina. Je ne sais pas encore si je la porterai ou pas. Mais ce sera très respectueux, sur des musiques différentes, comme par exemple, une marche funèbre italienne."
Montre-moi (ta) Pina.
Théâtre de Vanves, 14, rue Sadi-Carnot, Vanves. Les 25 et 26 janvier, à 19 h 30. Tél. : 01-41-33-92-91. De 14 € à 17€.
Propos recueillis par Rosita Boisseau
LE MONDE | 23.01.10 | 14h44 •
Montre-moi (ta) Pina. Pas très sérieux comme titre. C'est celui de la soirée imaginée par José Alfarroba, directeur du festival Artdanthé, au Théâtre de Vanves, qui vise à rendre hommage à la chorégraphe allemande Pina Bausch (1940-2009). Fan aussi, il désirait la saluer à sa manière. Quelques mois avant sa disparition, il avait lancé l'idée auprès de quelques chorégraphes.
Ils sont trente à participer. Le cahier des charges est strict : quatre minutes maxi pour la performance, deux musiques, deux costumes, mais autant d'interprètes que l'on veut en scène. Une fête pour Pina.
Cédric Charron, chorégraphe et interprète de Jan Fabre. "Pina, c'est un dinosaure. A la fois un monde ancien, un prédateur, une machine... Il en restera toujours un fossile. Je n'ai vu que deux pièces d'elle. Pour la performance, je traduis en quelque sorte littéralement le titre de la soirée : je montre ma... pina. Je ne suis pas chez Fabre par hasard. C'est un clin d'oeil. On y avait pensé lorsqu'elle était vivante et on avait envie de rire. Pina, c'est aussi ma seule audition, il y a dix ans.
J'avais 25 ans, j'étais encore étudiant à Bruxelles. Avec cinq copains danseurs, on a loué une voiture pour aller à Wuppertal. On s'est retrouvés avec 400 autres hommes à la barre. Une odeur de transpiration de mecs, incroyable. Une seule femme : Pina en bottes caoutchouc vert et bonnet noir. Très distante. L'ambiance n'était pas loin du film Fame. On a été virés : pas de base classique. Mais on était contents de l'expérience."
Yves-Noël Genod, acteur, danseur et chorégraphe. "Je ne sais pas encore ce que je vais faire comme performance. Je n'ai pas encore trouvé le costume... Je n'ai qu'un éventail chinois. Mais Pina, c'est moi ! J'ai tout appris avec elle du spectacle et de la vie. J'allais au mois d'août au moment des locations au Théâtre de la Ville demander à des abonnés qui ne "prenaient" pas Pina Bausch de la "prendre" et de me revendre leur billet. Après plusieurs années, on m'a fait monter dans les bureaux, et j'ai fini par avoir ce que je voulais : une place pour chaque représentation de Pina. J'avais ainsi toujours la même place au centre au rang C. Une fois, une danseuse m'a même demandé ce que je faisais là tous les soirs...
Ma première fois avec Pina, j'avais 17 ans, à Villeurbanne, c'était l'année du bac. Je ne pleure jamais et je me suis retrouvé comme une fontaine devant Bandonéon. C'est sans doute le spectacle le plus important de ma vie. J'étais avec une amie dont j'étais très proche. Elle était belle, intelligente (mention très bien au bac), sensible. Elle s'appelait Nathalie. Pour elle, il ne se passait rien : elle révisait sa géographie puisque la lumière reste allumée dans la salle. J'ai compris donc à 18 ans qu'on pouvait être très proches tout en étant aux antipodes devant un spectacle vivant."
Jeanne Candel, comédienne et collaboratrice du metteur en scène hongrois Arpad Schilling.
"J'avais 16 ans lorsque j'ai vu Le Sacre du printemps, de Pina Bausch. J'en ai 30, et cela a charpenté ma vie de femme et d'artiste. J'aime sa façon de saisir de petits détails, comme se gratter par exemple, pour leur donner des proportions énormes et les faire basculer dans une autre dimension, beaucoup plus folle. J'aime aussi sa drôlerie et sa cruauté mélangées.
J'ai décidé de m'habiller avec tous les accessoires symboliques de Pina (tutu, chaussures à talons aiguilles...) dont vont se servir ceux qui participent à la soirée. Je ferai en quelque sorte un strip-tease en chantant un blues dans un anglais imaginaire. Ou bien, ce sont peut-être les objets qui me tomberont des bras."
Thomas Lebrun, chorégraphe. "Je n'ai longtemps vu ses pièces qu'en vidéo. C'est en 2000, à Paris, que j'ai eu l'occasion enfin de les découvrir sur un plateau. J'ai toujours rêvé d'auditionner pour elle. J'en rêvais et j'en avais peur. Trop tard. Regret éternel. J'apprécie sa façon d'écrire des gestes comme des mots. Pour la performance, proche d'une pièce de deuil, je vais improviser en grande partie. Je serai en robe noire, avec une perruque noire aux cheveux très longs comme les danseuses chez Pina. Je ne sais pas encore si je la porterai ou pas. Mais ce sera très respectueux, sur des musiques différentes, comme par exemple, une marche funèbre italienne."
Montre-moi (ta) Pina.
Théâtre de Vanves, 14, rue Sadi-Carnot, Vanves. Les 25 et 26 janvier, à 19 h 30. Tél. : 01-41-33-92-91. De 14 € à 17€.
Propos recueillis par Rosita Boisseau
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