Les phrases de la fin
A la fin du spectacle (intitulé Rien n'est beau. etc.), et pour aider à se faire cette extrêmement belle partie très étirée, d'aube et de crépuscule mêlés qu'exécutaient Sylvie Mélis, Kate Moran, Marlène Saldana, Jeanne Balibar, les dindons, le public et "le monde" comme sujet (c'était l'espoir...), j'intervenais du milieu des gradins. Après un échauffement de la voix par quelques "très bien", voici ce que je disais :
"Je vais vous raconter une histoire. Il y avait au XXème siècle une chorégraphe qui a vécu très âgée, elle était presque centenaire. C'était une star. C'était une femme que Madonna allait voir descendre de voiture. Et cette chorégraphe, quand elle faisait des auditions, demandait aux danseurs de marcher dans le studio et elle leur disait : "Souvenez-vous que vous allez mourir." Si ça ne suffisait pas, elle pouvait dire encore : "Marchez comme si votre cœur était accroché au mur. Votre cœur à chacun, vivant, palpitant, accroché au mur.
Et puis aujourd'hui, je voudrais vous dire aussi autre chose, que j'ai lu dans le journal. Quelqu'un faisait remarquer que les trois religions monothéistes sont apparues dans le désert - et que, dans le désert, il n'y a pas d'singes... Il y a des chameaux, des chèvres... Alors, ça a été facile à l'homme de s'imaginer différent. En Asie, où les singes pullulent, la question de la continuité - ou de la discontinuité - du lien ne s'est pas posée."
Extrait de l'article du journal :
"En parlant des trois religions monothéistes, vous remarquez qu’elles sont nées dans le désert, dans des pays sans singes…
Les religions occidentales sont nées dans le désert. Dans le désert, à quel animal l’être humain peut-il se comparer ? Au chameau ? L’homme et le chameau sont de toute évidence très différents. Il est donc très facile de soutenir que nous sommes complètement différents des animaux, que nous ne sommes pas des animaux, que nous avons une âme et que les animaux n’en ont pas. Quand on lit le folklore de nos sociétés, les fables de La Fontaine par exemple, on y rencontre des renards, des corbeaux, des cigognes, des lapins… mais pas de singes. Alors que les folklores asiatiques sont pleins de gibbons, de macaques… En Inde, en Chine, au Japon, il y a toutes sortes de singes. Le développement des civilisations s’y est fait en compagnie des primates, c’est à cette sorte d’animaux que les Asiatiques se comparent. Du coup, la ligne de séparation n’est jamais très nette. Dans le livre, je raconte que, lorsque, pour la première fois au XIXe siècle, les habitants de Londres et de Paris ont vu des grands singes, ils ont été choqués, dégoûtés même. Dégoûtés en voyant un orang-outan ? Ça n’est possible que si on a de soi une idée qui exclut l’animal. Sinon, on voit un orang-outan et on se dit : si ça, c’est un animal, alors peut-être que moi aussi je suis un animal. Aujourd’hui, bien sûr, c’est différent. Les gens se sont habitués à l’idée qu’ils sont des grands singes et à se voir eux-mêmes comme des animaux. Jusqu’à un certain point, en tout cas, en dehors des départements de philosophie."
"Je vais vous raconter une histoire. Il y avait au XXème siècle une chorégraphe qui a vécu très âgée, elle était presque centenaire. C'était une star. C'était une femme que Madonna allait voir descendre de voiture. Et cette chorégraphe, quand elle faisait des auditions, demandait aux danseurs de marcher dans le studio et elle leur disait : "Souvenez-vous que vous allez mourir." Si ça ne suffisait pas, elle pouvait dire encore : "Marchez comme si votre cœur était accroché au mur. Votre cœur à chacun, vivant, palpitant, accroché au mur.
Et puis aujourd'hui, je voudrais vous dire aussi autre chose, que j'ai lu dans le journal. Quelqu'un faisait remarquer que les trois religions monothéistes sont apparues dans le désert - et que, dans le désert, il n'y a pas d'singes... Il y a des chameaux, des chèvres... Alors, ça a été facile à l'homme de s'imaginer différent. En Asie, où les singes pullulent, la question de la continuité - ou de la discontinuité - du lien ne s'est pas posée."
Extrait de l'article du journal :
"En parlant des trois religions monothéistes, vous remarquez qu’elles sont nées dans le désert, dans des pays sans singes…
Les religions occidentales sont nées dans le désert. Dans le désert, à quel animal l’être humain peut-il se comparer ? Au chameau ? L’homme et le chameau sont de toute évidence très différents. Il est donc très facile de soutenir que nous sommes complètement différents des animaux, que nous ne sommes pas des animaux, que nous avons une âme et que les animaux n’en ont pas. Quand on lit le folklore de nos sociétés, les fables de La Fontaine par exemple, on y rencontre des renards, des corbeaux, des cigognes, des lapins… mais pas de singes. Alors que les folklores asiatiques sont pleins de gibbons, de macaques… En Inde, en Chine, au Japon, il y a toutes sortes de singes. Le développement des civilisations s’y est fait en compagnie des primates, c’est à cette sorte d’animaux que les Asiatiques se comparent. Du coup, la ligne de séparation n’est jamais très nette. Dans le livre, je raconte que, lorsque, pour la première fois au XIXe siècle, les habitants de Londres et de Paris ont vu des grands singes, ils ont été choqués, dégoûtés même. Dégoûtés en voyant un orang-outan ? Ça n’est possible que si on a de soi une idée qui exclut l’animal. Sinon, on voit un orang-outan et on se dit : si ça, c’est un animal, alors peut-être que moi aussi je suis un animal. Aujourd’hui, bien sûr, c’est différent. Les gens se sont habitués à l’idée qu’ils sont des grands singes et à se voir eux-mêmes comme des animaux. Jusqu’à un certain point, en tout cas, en dehors des départements de philosophie."
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