La Dépression (de l'Est)
"Pourquoi la mer ? La mer n'est plus la mer."
Luis Bunuel, Le Fantôme de la liberté
Ah, la dépression ! Thomas Ferrand est donc venu à Chaumont. Esclandre à l'hôtel à cause du racisme d'extrême-droite anti p'tite fille avec deux garçons. On lui fait payer un max, mais on a une belle chambre avec deux grands lits et une salle de bain sublime. Thomas s'excuse de son état (qui ne se voit pas tant que ça) et, très vite : "Ah, l'Est ! je déteste l'Est." Ça, c'est sûr, on est à l'Est. (C'est pas le Chaumont plus célèbre des pays de la Loire.) Il sort manger "des frites et du jambon - Ou si y a pas ça ? - Des pâtes et du jambon" avec Garance et on se retrouve ensuite là où doit avoir lieu la performance. Il arrive, je le présente à tout le monde : pas un mot. Puis, au bout de cinq minutes : "Yves-Noël, je ne me sens vraiment pas bien, je vais rentrer." Je le retrouve vers onze heures lorsque je vais déposer ma veste Dior toute trempée de la pluie avant de rejoindre les autres au restaurant au sous-sol. Il est allongé nu avec sa fille dans l'un des grands lits. Il me dit : "Elle ne dort pas encore." Vers deux heures, les deux semblent dormir, toujours dans cette position d'enlacement. Le matin, je lui propose de rester un peu dans la chambre, de profiter du petit-déjeuner, non, il n'a qu'une envie, c'est de fuir. Il court à la gare acheter son billet et je suis chargé de remplir un sac de viennoiseries. Il ne reprend du poil de la bête que dans le train. Soulagement. Je comprends enfin pourquoi il est venu à Chaumont : c'était pour le plaisir d'en repartir. Et c'est vrai qu'après ce samedi un peu sinistre, le dimanche paraît délicat et serein. Garance m'appelle toujours "le monsieur", mais m'offre des chocolats qu'elle me fait passer par son père. Amitié à tous les étages. L'aurais-je soigné (le père) ? Je propose (encore dans la chambre) : "Si nous allions nous baigner au Pont du Gard ?" "C'est où, ça ?" Ou, comme je le vois rassembler les affaires rapidement comme en cavale, je nous imagine comme dans le film Gloria de Cassavetes à protéger cette gosse et à courir d'hôtel en hôtel, de ville en ville. Sinon, j'ai lu le très beau texte de Blaise Cendrars sur Arthur Cravan, assis par terre sur les affiches d'un si beau bleu imaginé par Frédéric et, après la pizza au restau de l'hôtel, j'ai bu un Lagavuline bien servi et, là, j'ai compris ce que c'était que les graphistes dont Nathalie Quintane avait dressé un portrait dans Blektre. Des beaux gosses. Graphiste 1, graphiste 2, graphiste 3, graphiste 4, graphiste 5... Thomas me dit que la petite lui a demandé de dormir ensemble, il s'était d'abord installé dans mon lit, elle n'arrivait pas à dormir, qu'elle ne le lui demandait jamais - et que, même, elle avait voulu qu'il mette son bras autour d'elle, ce que d'habitude elle n'aimait pas. Elle a trois ans et demie. Je lui dis que, peut-être, elle arrive à l'âge du complexe d'Œdipe. (Je parle de la petite de Pierre.) Je suis fasciné du rapport des pères avec leur fille. Il y avait aussi la petite de Frédéric, Alma, sept ans, magnifique qui, après un quart de pizza grignoté s'était endormie sur l'avant-bras de son père posé sur la table, puis sur son père encore plus entier dans le canapé à l'imprimé panthère du bar du Lagavuline (très bien servi par le genre méchant de James Bond, un spécialiste de la tuerie classe). Dans le train, Thomas lit un "Sciences et Avenir" dont la manchette est : "Ce que la science nous apprend du BONHEUR". "C'est intéressant, ils disent qu'il y a des gens prédisposés pour le bonheur et d'autres pas." Nous sommes arrêtés en gare de Nogent-sur-Seine. Il y a une heure trente de retard. Nous décidons de sortir nous balader. Quand nous revenons, le train est déjà parti. Nous faisons du stop jusqu'à Provins. Nous chopons le train de 13h45. Nous sommes dans le train à nouveau. Les deux femmes qui nous on pris en stop nous apprennent que c'est la fête des Mères. Le département, c'est L'Aube...
Luis Bunuel, Le Fantôme de la liberté
Ah, la dépression ! Thomas Ferrand est donc venu à Chaumont. Esclandre à l'hôtel à cause du racisme d'extrême-droite anti p'tite fille avec deux garçons. On lui fait payer un max, mais on a une belle chambre avec deux grands lits et une salle de bain sublime. Thomas s'excuse de son état (qui ne se voit pas tant que ça) et, très vite : "Ah, l'Est ! je déteste l'Est." Ça, c'est sûr, on est à l'Est. (C'est pas le Chaumont plus célèbre des pays de la Loire.) Il sort manger "des frites et du jambon - Ou si y a pas ça ? - Des pâtes et du jambon" avec Garance et on se retrouve ensuite là où doit avoir lieu la performance. Il arrive, je le présente à tout le monde : pas un mot. Puis, au bout de cinq minutes : "Yves-Noël, je ne me sens vraiment pas bien, je vais rentrer." Je le retrouve vers onze heures lorsque je vais déposer ma veste Dior toute trempée de la pluie avant de rejoindre les autres au restaurant au sous-sol. Il est allongé nu avec sa fille dans l'un des grands lits. Il me dit : "Elle ne dort pas encore." Vers deux heures, les deux semblent dormir, toujours dans cette position d'enlacement. Le matin, je lui propose de rester un peu dans la chambre, de profiter du petit-déjeuner, non, il n'a qu'une envie, c'est de fuir. Il court à la gare acheter son billet et je suis chargé de remplir un sac de viennoiseries. Il ne reprend du poil de la bête que dans le train. Soulagement. Je comprends enfin pourquoi il est venu à Chaumont : c'était pour le plaisir d'en repartir. Et c'est vrai qu'après ce samedi un peu sinistre, le dimanche paraît délicat et serein. Garance m'appelle toujours "le monsieur", mais m'offre des chocolats qu'elle me fait passer par son père. Amitié à tous les étages. L'aurais-je soigné (le père) ? Je propose (encore dans la chambre) : "Si nous allions nous baigner au Pont du Gard ?" "C'est où, ça ?" Ou, comme je le vois rassembler les affaires rapidement comme en cavale, je nous imagine comme dans le film Gloria de Cassavetes à protéger cette gosse et à courir d'hôtel en hôtel, de ville en ville. Sinon, j'ai lu le très beau texte de Blaise Cendrars sur Arthur Cravan, assis par terre sur les affiches d'un si beau bleu imaginé par Frédéric et, après la pizza au restau de l'hôtel, j'ai bu un Lagavuline bien servi et, là, j'ai compris ce que c'était que les graphistes dont Nathalie Quintane avait dressé un portrait dans Blektre. Des beaux gosses. Graphiste 1, graphiste 2, graphiste 3, graphiste 4, graphiste 5... Thomas me dit que la petite lui a demandé de dormir ensemble, il s'était d'abord installé dans mon lit, elle n'arrivait pas à dormir, qu'elle ne le lui demandait jamais - et que, même, elle avait voulu qu'il mette son bras autour d'elle, ce que d'habitude elle n'aimait pas. Elle a trois ans et demie. Je lui dis que, peut-être, elle arrive à l'âge du complexe d'Œdipe. (Je parle de la petite de Pierre.) Je suis fasciné du rapport des pères avec leur fille. Il y avait aussi la petite de Frédéric, Alma, sept ans, magnifique qui, après un quart de pizza grignoté s'était endormie sur l'avant-bras de son père posé sur la table, puis sur son père encore plus entier dans le canapé à l'imprimé panthère du bar du Lagavuline (très bien servi par le genre méchant de James Bond, un spécialiste de la tuerie classe). Dans le train, Thomas lit un "Sciences et Avenir" dont la manchette est : "Ce que la science nous apprend du BONHEUR". "C'est intéressant, ils disent qu'il y a des gens prédisposés pour le bonheur et d'autres pas." Nous sommes arrêtés en gare de Nogent-sur-Seine. Il y a une heure trente de retard. Nous décidons de sortir nous balader. Quand nous revenons, le train est déjà parti. Nous faisons du stop jusqu'à Provins. Nous chopons le train de 13h45. Nous sommes dans le train à nouveau. Les deux femmes qui nous on pris en stop nous apprennent que c'est la fête des Mères. Le département, c'est L'Aube...
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