Joëlle Gayot, France Culture, journal de 18h
Avignon version Off, « Yves Noël Genod, le parc intérieur »
12.07.2010
Ecoutez la chronique de Joëlle Gayot diffusée dans le journal de la rédaction de 18h.
Yves Noël Genod n’est pas un inconnu du festival d’Avignon, loin de là. Il est d’ailleurs déjà passé par la case In, comme acteur et performer. Cet artiste iconoclaste, qui a travaillé autrefois sous la direction du grand metteur en scène Claude Régy, est une sorte d’électron libre de la création française. Il va et vient comme il veut de l’institution à la marge, du texte à la danse, du théâtre à la performance.
Bref, il n’est jamais là ou on l’attend et sa façon d’opérer constitue, en soi, un événement. Le spectacle qu’il propose dans la petite salle de la Condition des soies n’échappe pas à cette règle. Il s’intitule Yves Noël Genod, Le Parc intérieur et il tranche d’emblée avec le reste des propositions du Off : c’est un spectacle gratuit ! Vous réservez, vous venez, vous vous installez. On vous sert une coupe de champagne. Vous n’avez pas payé. Vous ne donnerez de l’argent que si vous êtes content de ce que vous avez vu. Libre à vous de déposer une pièce, ou pas, dans le seau à champagne qui vous attend à la sortie. Pourquoi l’entrée du spectacle est-elle libre ? Parce que, dit Yves noël Genod, «les putains, les vraies sont celles qui font payer pas avant, mais après». C’est la philosophie affichée de l’artiste… et le pari aussi qu’il prend, dangereux, gonflé, risqué. Sa rémunération dépendra de votre bon vouloir. Une facon de dire qu’on peut fonctionner autrement que ce qui se pratique partout ailleurs. Décidemment, oui, Yves Noël Genod est un homme libre.
A la fin du spectacle, le seau à champagne est plein de billets et de chèques. Les spectateurs sont contents et ils ont toutes les raisons de l’être. Pendant une heure quinze, ils ont assisté à un hommage vibrant rendu à Shakespeare sans tapage, sans dépense inutile de jeu, de moyen et d’artifice. Genod est seul en scène. Il arrive juste après qu’un artiste, de son choix, qui change tous les jours, soit passé faire un petit tour de piste pour vendre son propre show. Puis Genod débarque, livre en main. Il lit Vénus et Adonis, un poème de Shakespeare. Il est en jean et en chemise, il ne force pas la voix, il arpente tranquillement les quelques mètres de cette salle circulaire. A mesure qu’il lit le poème, il le commente. Et d’explications de texte en digressions personnelles, d’anecdotes en souvenirs, il nourrit peu à peu Shakespeare d’une autre histoire, la sienne. Comme c’est en plus un divin lecteur, on est totalement captivé par ce qu’on entend. Vénus et Adonis, un poème pourtant passablement ampoulé nous parvient dans sa pureté d’écriture, comme une métaphore très osée du désir qu’aurait écrite Shakespeare, dont on sait à quel point il savait, le malin, raconter des ébats érotiques sous couvert de descriptions enflammées de la nature au printemps... C’est absolument fascinant (de redécouvrir cette langue comme pour la première fois) et d’y voir se dessiner, en arrière plan, grâce aux commentaires très drôles et très subtils de Genod une toute autre histoire que celle qui semble nous être racontée. On rêve d’un cours de littérature au lycée assumé de cette façon et on rêve aussi d’un théâtre plus «officiel» qui saurait revenir à autant de vérité, de simplicité et d’excellence…
Yves noël Genod, le parc intérieur (Variation autour du poème de Shakespeare, Vénus et Adonis.) Tous les jours, à 18h. Condition des soies. Avignon.
> Les chroniques quotidiennes du festival. Retrouvez ici tous les billets de Joëlle Gayot, diffusés dans le journal de la rédaction de 18h.
Joëlle Gayot
12.07.2010
Ecoutez la chronique de Joëlle Gayot diffusée dans le journal de la rédaction de 18h.
Yves Noël Genod n’est pas un inconnu du festival d’Avignon, loin de là. Il est d’ailleurs déjà passé par la case In, comme acteur et performer. Cet artiste iconoclaste, qui a travaillé autrefois sous la direction du grand metteur en scène Claude Régy, est une sorte d’électron libre de la création française. Il va et vient comme il veut de l’institution à la marge, du texte à la danse, du théâtre à la performance.
Bref, il n’est jamais là ou on l’attend et sa façon d’opérer constitue, en soi, un événement. Le spectacle qu’il propose dans la petite salle de la Condition des soies n’échappe pas à cette règle. Il s’intitule Yves Noël Genod, Le Parc intérieur et il tranche d’emblée avec le reste des propositions du Off : c’est un spectacle gratuit ! Vous réservez, vous venez, vous vous installez. On vous sert une coupe de champagne. Vous n’avez pas payé. Vous ne donnerez de l’argent que si vous êtes content de ce que vous avez vu. Libre à vous de déposer une pièce, ou pas, dans le seau à champagne qui vous attend à la sortie. Pourquoi l’entrée du spectacle est-elle libre ? Parce que, dit Yves noël Genod, «les putains, les vraies sont celles qui font payer pas avant, mais après». C’est la philosophie affichée de l’artiste… et le pari aussi qu’il prend, dangereux, gonflé, risqué. Sa rémunération dépendra de votre bon vouloir. Une facon de dire qu’on peut fonctionner autrement que ce qui se pratique partout ailleurs. Décidemment, oui, Yves Noël Genod est un homme libre.
A la fin du spectacle, le seau à champagne est plein de billets et de chèques. Les spectateurs sont contents et ils ont toutes les raisons de l’être. Pendant une heure quinze, ils ont assisté à un hommage vibrant rendu à Shakespeare sans tapage, sans dépense inutile de jeu, de moyen et d’artifice. Genod est seul en scène. Il arrive juste après qu’un artiste, de son choix, qui change tous les jours, soit passé faire un petit tour de piste pour vendre son propre show. Puis Genod débarque, livre en main. Il lit Vénus et Adonis, un poème de Shakespeare. Il est en jean et en chemise, il ne force pas la voix, il arpente tranquillement les quelques mètres de cette salle circulaire. A mesure qu’il lit le poème, il le commente. Et d’explications de texte en digressions personnelles, d’anecdotes en souvenirs, il nourrit peu à peu Shakespeare d’une autre histoire, la sienne. Comme c’est en plus un divin lecteur, on est totalement captivé par ce qu’on entend. Vénus et Adonis, un poème pourtant passablement ampoulé nous parvient dans sa pureté d’écriture, comme une métaphore très osée du désir qu’aurait écrite Shakespeare, dont on sait à quel point il savait, le malin, raconter des ébats érotiques sous couvert de descriptions enflammées de la nature au printemps... C’est absolument fascinant (de redécouvrir cette langue comme pour la première fois) et d’y voir se dessiner, en arrière plan, grâce aux commentaires très drôles et très subtils de Genod une toute autre histoire que celle qui semble nous être racontée. On rêve d’un cours de littérature au lycée assumé de cette façon et on rêve aussi d’un théâtre plus «officiel» qui saurait revenir à autant de vérité, de simplicité et d’excellence…
Yves noël Genod, le parc intérieur (Variation autour du poème de Shakespeare, Vénus et Adonis.) Tous les jours, à 18h. Condition des soies. Avignon.
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Joëlle Gayot
Labels: avignon
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