Otsbahnhof (temps réel)
J’avais oublié le livre que j’avais prévu d’emporter, alors j’en ai acheté un autre à l’aérogare. J’ai acheté Des éclairs, de Jean Echenoz. J’avais prévu d’emporter On n’y voit rien, de Daniel Arasse. J’ai hésité assez peu. Il y avait aussi Suite(s) impériale(s), un de Philip Roth… L’incipit est : « Chacun préfère savoir quand il est né tant que c’est possible. » Maintenant, j’ai le choix : regarder les passagers dont deux jeunes très beaux et très drogués d’apparence. L’un avec une perruque, mais ça doit être ses vrais cheveux. Des « rêves de jeunes ». Il porte maintenant, dans la file d’embarquement, un bonnet style péruvien avec un pompon gris pâle et une veste en mouton retourné et ça lui va très bien. C’est dire. Des chaussures claires et pas pour la neige, pointues. Je n'ai pas capté quelle langue ils parlent. Donc, vous avez compris, j’ai le choix : regarder, lire ou écrire sur ce blog. Et, vous avez compris, je choisis l’action la plus paresseuse, écrire sur ce blog. Ecrire ou n’y voir rien, ébloui par les éclairs… Les avions d’easyJet pour Berlin sont pleins de jeunes très jolis, quand même… De la blondeur sous toutes ses formes. Des locks, des touffes, des filles, toute sorte de filles – et puis après on passe aux bruns (qui comptent pas pour des prunes). Mais mon préféré reste le nonchalant, l’échalas, avec perruque et dandysme. Bon, faut qu’j’y aille, moi ! Merde, je tombe sur le gosse avec qui j’ai passé l’audition pour Héléna Klotz (son nom, plus tard). Il est drogué, lui, pour de vrai, et bourré. Il veut que l’on se mette ensemble dans l’avion, il veut m’offrir un whisky, il veut que je partage son taxi à l’arrivée… Il me raconte une histoire difficilement croyable de pipes de H qu’Héléna lui aurait méchamment mis dans son sac en lui rendant ses appareils photo. Ils ont été ensemble et elle a tellement dit que, elle, elle était bien et que, lui, il était rien que destructeur. C’est aussi l’impression qu’il me fait. Il a failli se faire piquer à la douane, mais a baragouiné quelque chose en polonais à l’inspectrice qui était Polonaise. Il a pu passer. Ouais. Son discours est incohérent, mais c’est aussi qu’il doit trouver que je crie un peu fort les éléments qu’il m’en donne à voix filée. Je fais le sourd et l’innocent comme dans un film de Louis de Funès. Il me dit : « Plus tard, plus tard, je t’en parle dans le taxi… » Mais, moi, je ne veux pas qu’on me prenne pour son complice. Alors je hurle en faisant les gestes : « Des pipes ? Des pipes de quoi, grands dieux ? Remplies ? » Il a triple nationalité. Polono-franco-anglaise. Et effectivement il répond à un coup de fil avec un anglais parfait. Bon, mais échapper au plus vite à tout le voyage avec lui… Je saute sur la première place libre. Merde : à côté d’un porc sourd qui a mis ses écouteurs à fond. On peut chanter les chansons avec lui (mais je ne les aime pas…) Je change. Je me retrouve à côté d’un obèse (ce sont les seules places qui restent libres, en fait) et, qui plus est, on entend toujours la musique du fou (bien que cinq rangs derrière). Comment échapper au mal ? Voilà un thème de spectacle. Hier, j’ai passé la soirée à Reims avec Marilyn Monroe. Oui. Et son psy, son photographe, son amant, le plus beau de tous, mais en bout de table. Ce roman est merveilleux, il avance si vite ! A la vitesse de l’éclair, évidemment, au moins de l’électricité, c’est l’idée, en tout cas. Je n’ai pas revu le jeune drogué avec qui j’avais joué une scène pour un casting. Je l’ai perdu dans la neige. Il aura pris son taxi tout seul avec ses produits, nous n’en saurons pas plus. Comment a-t-il pu passer les contrôles en s’amourachant de la Polonaise ? Nous ne saurons même pas son nom. Il faudra que je change aussi le nom d’Héléna Klotz. Je reprends l’histoire de Reims. A Reims où j’étais venu à l’invitation de Philippe Tlokinski…
Merde, on arrive ! Otsbahnhof, déjà.
Merde, on arrive ! Otsbahnhof, déjà.
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