Une aventure
(A tous)
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Comme ça va vite, pour moi, je ne sais pas pour vous, déjà occupé à deux autres spectacles, le solo de Thomas et cette lecture de Rimbaud… Mais, pourtant, la nuit dernière, assommé par la vodka (de La Java) et sans dormir, je pensais tellement à la présentation de samedi soir. Je l’ai trouvée magique, étrange et irréelle, il me semble qu’on est bien parti. Ce n’est qu’un début, mais des choses ont été touchées, pour toujours et à jamais, comme nous le souhaitions. Ça a la précision d’une écriture absolue et musicale – ou du naturel. Thomas m’a montré ce qu’il ne faut pas faire (rentrer sur le plateau en ayant la trouille et en attendant que ça tombe du ciel), ce que, Dieu soit loué, il ne faisait déjà plus du tout à la répétition du soir à la Bastille… Marlène, géniale irrésistiblement, a aussi montré, peut-être, un risque que Pierre Droulers m’a pointé, mais que j’avais remarqué moi-même. A un moment dans la présentation, je me suis dit : « On dirait qu’elle est la vedette. » Pour une fois, ça ne marche pas. Je crois. Ça isole. (Mais ça tient sans doute à pas grand chose, juste de le savoir, quelques placements.) Ce qui est merveilleux, ce qui m’a le plus ému pendant ces répétitions, c’était quand j’ai eu l’impression d’un seul être, d’un seul homme ou femme. Ce que Valérie fait magnifiquement : se fondre dans l’ensemble comme une débutante, devenir aussi visible qu’invisible – il s’agit de faire un spectacle invisible (l’ambition est grande), un spectacle dans le noir sans l’artifice du noir. Peut-être Valérie le réussit-elle d'ailleurs un peu trop bien : un ami m’a demandé si c’était « voulu d’avoir sous-employé Valérie Dréville » ! Ça m’a fait penser aux producteurs américains du Mépris, de Godard, qui étaient soi-disant furieux que, dans la première version, il n’y ait pas de scène de nu de Brigitte Bardot (d’où le rajout par Godard de la première scène devenue culte – « Et mes fesses, tu les aimes… ») Jeanne a aussi très bien compris ça vendredi : il s’agit d’être là dans toutes ses disponibilités, mais sans être à soi-même sa propre citation, partie d’un tout, d’un reliment infini. C’est très beau. Dominique a été bouleversante, j’ai trouvé (et beaucoup me l’ont dit), « puissance de l’innocence ». Je trouve, pour ma part, que les garçons ont parfaitement joué cet ensemble d’images qui s’évaporent, qui s’échangent, qui ne tiennent pas plus dans les doigts qu’une aile de papillon, Charles, Wagner, Matthias, Lucien.
Il faudra qu’Arnaud m’envoie le peu de notes que je lui ai dicté, il faudra que je regarde la captation de Clara. (Comment faire d’ailleurs – quelqu’un a une idée – pour que je regarde cette cassette ?) Ce que l’on fera, c’est sans doute mettre de l’air à l’intérieur des choses, peut-être ajouter quelques scènes de hasard ou d’autres (avec des enfants, peut-être, ou avec un perroquet, qui sait). Peut-être aussi travailler la lumière (qui est très belle, mais qui pourrait sans doute être mouvante), etc. Mais je suis content qu’on s’arrête un mois, ça permettra ainsi un retour d’assimilation qui nous aidera. Il faudrait que l’on fasse d’autres avant-premières (si Marie-Thérèse le vaut bien…), il faudra qu’on retravaille un peu cette scène appelée à tort « les saluts », toujours très lente à se faire comprendre (ça pourrait sans doute être le plus beau moment du spectacle). Je voulais seulement, juste comme ça, ce soir, vous remercier pour cette infinie disponibilité que vous avez manifestée. Remercier aussi Clara, Marion et Arnaud de leur accompagnement sensible. Vous dire à bientôt et vous taper la bise !
Yves-Noël
Labels: ménagerie correspondance
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