La Serveuse
Elle vient vers moi, elle m’apporte mon plat, elle se penche et elle dit : « Je voudrais vous dire bravo. – Bravo pour quoi ? – Pour tout. Pour le TCI… » Je suis à L’Industrie, je suis venu pour prendre un plat. Je ne sais pas pourquoi je suis venu ici au lieu de rentrer chez moi, après le cours de danse. Je cherche qq que je ne trouve pas. J’ai mis une annonce : « Cherche une femme sublime… » Je ne sais pas pourquoi je suis ici, spécialement ici. Je suis à L’Industrie, c’est bruyant, les gens sont beaux, je n’ai pas de livre à lire, je suis heureux. Les gens sont beaux. Curieusement, je suis heureux. Elle vient vers moi, elle est belle, elle est belle comme toutes les serveuses ici, elle vient vers moi et elle se penche et elle me dit : « Je voudrais vous dire bravo. Je sais ça ne se fait pas (comme ça), mais je voulais vous le dire. – Vous êtes comédienne ? – Oui. – Alors, venez demain : je fais passer des auditions, venez demain à 9h30, à la Ménagerie. Vous voyez où c’est ? Est-ce que vous pourriez ? Mais vous êtes prise tous les soirs, ça n’ira pas… » Elle fait un geste de la main pour dire que ce n’est pas si strict. Ce soir, je la crois. Elle est très belle. Métisse. Sa beauté m'éblouit, bouleversante. « Apportez quelques vêtements, des belles choses, du blanc... Oh, en même temps, venez comme vous êtes, c’est parfait ! » Elle sait que c’est déshabillé. Elle le fait remarquer, puis très vite : qu'elle s’en fiche. Je lui dis que je crois aux signes, que je ne savais pas pourquoi j’étais entré à L’Industrie, spécialement ce soir, et que c’était parce que je cherchais qq et qu’en fait, je la cherchais, elle. (Et maintenant, en écrivant, j’ai l’impression de faire du Duras, vous ne trouvez pas ?) Elle m’apporte mon plat. Je vois les gens beaux vivant dans cette société de merde. Je pense à ce que m’a dit mon psy, que c’était impossible, à notre époque, ce que je voulais faire, qu’il faudrait très longtemps, une formation, pour que des gens travaillent ensemble, que l’isolement était au maximum, que 68 était bien loin, etc. Je mange du lapin chasseur. Il est bon. Bien servi. Et je l’imagine peut-être dire au cuistot : « Alors, lui, tu le soignes, hein ? Je l’aime. »
Labels: paris tci ménagerie
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