Pascale Fautrier parle de la soirée d'hier
THÉMATIQUES DU BLOG
19h . Absence
de vigilance . Gallimard
. Je
m'occupe de vous personnellement . Pétition
et rassemblement du 12 septembre pour la libération de Sakineh
Mohammadi-Ashtiani : leçon de choses . Quelques
expériences d'une citoyenne ordinaire . Théâtre
du Rond-Point . Yves-Noël
Genod . jusqu'au
24 juin (dimanche 15h30) . retraites
22 Juin 2012
Par Pascale Fautrier
21 juin, 18h55.
Vent contraire dans la rue de Rivoli : mon vélo fait du surplace. C'est
commencé quand j'arrive au Théâtre du Rond-Point : un jeune homme rose en
slip blanc boit déjà l'eau des plantes à même le seau, sur l'air de Norma.
Adoration à la lune
dans la forêt sacrée : les herbes guérisseuses ont envahi la scène. Des
colibris étincellent sur le jasmin des Florides. Casta Diva, che inargenti
queste sacre antiche piante. Les fenêtres sont ouvertes côté jardin, mais je ne
vois pas sur quoi. Ca fait un courant d'air avec la lucarne ouverte sur le ciel
bleu au-dessus de moi. Elles sont seules sur la scène. La charnelle, la
blonde, l'écrivain-lectrice. Seules avec le téléphone dans la main. Voici
le temps des personnes déplacées. Des hommes-chiens,
des hommes-cheval, des hommes-poules. Toujours le même : étonnant
acrobate. Qu'est-ce qu'on fait des corps? Elle a perdu son amant,
elle erre sur le bord du Lac Léman. Où suis-je? Qu'est-ce que je fais
là?, lit Valérie Dréville. Chaque soir, Valérie
Dréville lit des passages de deux livres d'Hélène Bessette : Si,
Gallimard, 1964, rééd. Léo Scheer, 1964, Suite suisse,
Gallimard, 1965, rééd. Léo Scheer, 2008 (et d'autres de HB). Pionnière du Nouveau Roman, aimée
par Duras, Sarraute (wikipedia) Je téléphone. Communication coupée.
Interceptée. Un inconnu répond. Voix de gorge. Voix pleine. Et : – I'm
sorry. Il y a erreur. Nous n'étions pas faits l'un pour l'autre. Ils
sont seuls. Avec leur téléphone. Alors ils nagent. Et elles tombent. Il paraît
que les textes, certains soirs, c'est violent : on entend la guerre qui
vient, les mitrailleuses et l'impact des bombes. La haine : Voici le
temps des sans-abri, des sans-papiers, des sans-familles, des sans-amis.
Mais ce soir, c'est
après l'orage : tendre. Les pétales de roses par terre. Les feux de la
Saint-Jean. Et chaque fois les feuilles mortes /Te rappellent à mon souvenir
/Jour après jour les amours mortes /N'en finissent pas de mourir.
L'homme-cheval nage dans l'eau qu'il expulse de sa bouche en nuages. Il pleut.
La blonde monte sur le bord de la fenêtre. Je suis dans le courant d'air. La
charnelle ouvre son peignoir, montre ses seins (et ses ailes) : oui,
Deneuve/Bunuel (on rit beaucoup aussi). La musique du Mépris :
elle n'a pas sauté par la fenêtre. A défaut de mort, le grand désespoir de
l'exil. Ils sont seuls sur la scène. Pour être libres, il
faut un passeport et de l'argent. Mais je les oublie tout le temps dans ma
chambre. On est seuls avec eux. Qu'est-ce qu'on fait des
corps ? L'air, la terre, l'eau, le feu.Yves-Noël est assis à quelques personnes
de moi, je ne l'avais pas vu (depuis cinq ans peut-être) : il a toujours
son air d'Iggy Pop enfant. Il dit : je vais vous dire qui sont. On
croit : les noms des comédiens (puisqu'il est le metteur en scène).
Non : les plantes, sur la scène, différentes chaque soir, côté jardin
évidemment. On les appelle des délaissées. Les délaissées des jardins à la
française. On entend moins les oiseaux. La circulation des Champs-Elysées entre
dans la maison. C'était sa maison de rêve à Yves-Noël, il nous avait
invités et on va se retrouver dehors, expulsés dans la ville. Je me
souviens : on avait parlé des femmes qui font la vaisselle dans Nathalie
Granger, la maison de Marguerite Duras, et des petits carnets où il note au vol
ces dialogues qu'on entend par bribes (ils parlent tout bas dans les coulisses
vertes) : non, là, je peux plus tenir, il faut que j'aille faire pipi.
Tant pis : Attitude d'esprit : refuser la haine. Retrouver la
mentalité des heureux peuples sans guerre, sans invasion.
Hélène Bessette.
C'est comme si mon
cerveau avait pris l'air. J'achète Si à la librairie.
Dehors, le vent est
tombé, le ciel d'orage est nettoyé. La Seine est bleu clair, le ciel
transparent, la lumière éclatante. Le Soleil n'a jamais été si jaune. Sur la
passerelle des Arts, une rangée de CRS regardent un groupe chanter A la
Bastille, on l'aime bien Nini Peau de Chien. Quelqu'un dit : On dirait que
c'est la fin de quelque chose, on dirait que quelque chose de nouveau va
arriver.
Je m'occupe de vous personnellement, mise en scène : Yves-Noël Genod, Théâtre du Rond-Point, 19h, jusqu'au 24 juin (dimanche : 15h30). Avec : Valérie Dréville, Marlène Saldana, Alexandre Styker, Dominique Uber, Lorenzo de Angelis, Yves-Noël Genod (la distribution change aussi).
Labels: rond-point
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