Illustrated Poem
Comme
le luxe est facile ! Il est vrai que c’est un métier, l’attention au luxe,
l’attention au bonheur, c’est un métier. C’est un métier que j’ai appris, sur
le tard, que j’apprends toujours. C’est le métier de la vie. Il y a une femme
qui ressemble à ma mère qui depuis tout à l’heure arrange et déplace son
transat, son lit de piscine, je ne sais pas comment on dit. J’aimerais bien que
ma mère soit ici. Elle arrangerait
sans fin son lit de piscine, mais, au moins, elle serait ici. Ce serait un bel
endroit pour vivre ou pour mourir, ici. Il y a des gens, des gens réunis, de
tout pays, une communauté faible. Ce sont des gens de passage, de passage dans
la vie, il n’y a pas de haine, pas de faute de goût, pas de haine. La beauté,
la vigueur, le repos. Il y a pas mal de gens – l’hôtel est un petit village,
sans doute un village retapé –, mais ça ne se voit pas. Je suis sous la
falaise. J’admire à l’infini la falaise sublime. On y passerait des années.
C’est une splendeur plus belle que la Joconde. J’ai vu des animaux aussi,
aujourd’hui. Comme c’est facile de communiquer avec les animaux ! Avec les
fourmis, les guêpes, les papillons et toutes sortes de bêtes occupées. Avec les
chevaux, les vaches, le chien. Je n’ai pas vu de serpent, mais j’ai fait
attention. Romain a voulu monter un cheval et, au début, le cheval n’avait pas l’air d’y voir un inconvénient. Sa belle croupe. Mais finalement ça n’a pas
marché. Le cheval a été offusqué,
il n’y a pas d’autre mot. Il nous a regardés en soufflant plusieurs fois l’air
de dire : « Quelle grossièreté, malotrus, tout ça pour ça, me monter dessus, c’est
minable ! » Bon. Ce matin, Romain était avec Laure dans la salle de
douche quand je suis entré. Je les voyais s’activer à travers la vitre dépolie.
C’était excitant. J’entendais les gémissements de Laure, légers gémissements
recouverts par le bruit de l’eau. Je suis allé caresser le chien dehors, un
briard, qui a apprécié (sauf les pattes, il aime pas). Le bruit de l’eau, on
l’entend dans toute la vallée, quand on surplombe la falaise si belle. On est
allé jusqu’à Buoux par un sentier comme pavé. On entendait les chevaux marcher
dans la rivière. On entendait, par bouffées légères, la musique de salsa et,
quand on a pendu les jambes en surplomb, on voyait les couples danser avec plus
ou moins de fluidité. Il y avait des loups dans le Lubéron, beaucoup. Beaucoup
de noms de lieux en témoignent.
Labels: voyage
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