Monsieur Solitude
Bébé me reproche d’écrire
des choses tristes sur mon blog. Il s’inquiète. Mais, mon Dieu, je lui dis,
tout mon blog est très triste. C’est plaintif, c’est élégiaque. Ce n’est pas
parce que, de temps en temps, je crie de joie, « Bébé, bébé ! »
que je ne me retrouve pas avec, avec – c’est ça que j’ai en partage avec
Françoise Sagan – cette conscience de la solitude. Françoise Sagan est beaucoup
plus pessimiste que moi. Elle dit – avec raison – que le problème, c’est le
manque de temps. Les gens n’ont pas le temps de se connaître. C’est vrai – même
en me focalisant sur Bébé comme je le fais – lui ou un autre, lui vaut un autre
– je suis triste déjà car, même lui, même une personne, je n’aurais pas le temps de le rencontrer.
Alors on se retrouve dans son lit, seul ou triste, et cela s’appelle la
conscience. C’est assez rare pour qu’on juge – que je juge – que ça peut avoir
sa trace sur ce blog. Mais c’est pour moi, c’est tout, c’est moi, je me
reconnais, moi. Vous savez, je suis Monsieur Solitude, quand même, moi... Plus qu’un
autre.
C’est fabuleux, la
solitude. C’est un pays immense, sans fin, sans fond. C’est Lyon, par exemple.
Lyon est la connaissance de la solitude – que j’ai – sous la forme d’une ville.
La beauté invraisemblable de Lyon – et qui est réelle – est aussi la beauté
d’un pays sans fin, sans fond, avec deux fleuves qui se rejoignent – féminin, masculin. C’est une fourche, comme ça, avec le rejoignement
des fleuves, les fleuves qui se retrouvent, enfin, qui sont là, qui se
rejoignent et, dans l’espace qu’ils proposent, immense comme une pampa, il y a
moi, perdu, incroyable et seul – et pourtant cerné, récolté par les murs
de cette ville fictive, cette ville qui ne s’arrête jamais – qui coule comme les fleuves –.
J’ai été si jeune et si seul
à Lyon ! La chance que j’ai eue est celle-ci : quand j’ai été jeune –
à Lyon – je n’existais pas. Chance que ma sœur n’a pas eue.
Je ne voudrais pas revenir
sur Pierre, mais – c’est l’exception – je crains de l’avoir rencontré, lui,
pour toujours. Comme s’il était mort,
c’est le mieux de ce que je peux formuler. Les femmes que j’ai connues, non,
malgré la joie intense, sexuelle, non, je ne les ai jamais rencontrées. On
ne devrait jamais renoncer au sexe. Je devrais encore essayer. Mais qui
viendra doucement gratter les murs du nothing ? De la beauté et de la déchirure. Voilà ce que
j’écris sur mon blog, des choses comme ça. Choses que l’on trouve dans les
livres.
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