Destruction des animaux nuisibles

Elle avait dit : « C’est pas du blanc, c’est de la neige. » Puis : « Comme Godard qui disait : « C’est pas rouge, c’est la révolution. » Ça, c’était ce qu’elle avait dit au début. Et, à la fin, elle avait dit : « La neige, y a plus de lumière directionnelle. C’est comme une énorme boîte à lumière. » Au début et à la fin du voyage. C’était 2 phrases que j’avais notées. Ensuite nous étions allé voir un film. D’abord, j’avais pensé aller voir le parc du château de Versailles sous la neige. Oui, ça devait être beau. J’avais proposé ça à plusieurs personnes qui avaient toutes décliné et, tout d’un coup, j’avais eu l’idée de Dominique — à qui je ne proposais jamais rien, c’était elle, toujours, qui m’appelait (et, en général, je répondais du tac au tac) — mais, à Versailles, le parc, la neige... Dominique Issermann ! J’avais proposé le RER C, mais Dominique avait parlé d’un taxi, « Oh, allez, Chaumet vient de me payer... » Puis, plus tard : « C’est ça de moins que les impôts n’auront pas. » Donc on avait fait une journée comme il est possible, pour moi, d'en faire à Mexico, puisqu’un taxi pour la journée, à Mexico, coûte 25 euros. Il faut beaucoup d’argent pour vivre à Paris. Pour vivre dans le luxe. « Seul le luxe est humain », a dit Peter Handke dans, je crois, Les Gens déraisonnables sont en voie de disparition, mais je crois qu’il l’a repris de Bertolt Brecht. Bref, le luxe est naturel, l’idée même du luxe est naturelle — avec Dominique I. « Je devais aller chercher des cadeaux pour Chanel, mais je peux y aller lundi... » Je n’avais pas compris cette histoire de cadeaux pour Chanel, je redemandais (plus tard) : « Eh bien, Chanel me fait vivre, tu sais, alors chaque année, je mets 1000 euros de côté et il y a quelques filles auxquelles... » Donc on était allé à Versailles. Dominique voulait même passer la nuit là-bas, au Trianon Palace (je crois, l’hôtel que l’on voit à la fin d’India Song, que Marguerite aimait beaucoup aussi). Le Trianon Palace est un hôtel qui donne sur le parc du château, Dominique y a beaucoup vécu. Donc on est dans le taxi, donc on est dans la beauté, donc on va à Versailles voir la neige. Dominique parle d’une amie à elle que je ne connais pas, Sarah Moon, qui a fait beaucoup de photos de Versailles sous la neige. Mais elle me dit aussi que la dernière fois que Sarah Moon y est allée, elle a trouvé la grille fermée. Ils ferment le parc maintenant quand il neige... Quoi ?...mais qu’elle a regardé sur le site, il n’y avait rien marqué. Et, en effet, grilles fermées. On est furieux. On parle tout d’un coup comme des charretiers. On garde le taxi quand même. On décide d’aller dans le château pour regarder par les fenêtres. C’est une bonne idée, il y a peu de monde dans le château qui paraît encore plus vide avec cette lumière de neige. On regarde par les fenêtres. Dominique sort son iPhone et fait des photos. Je n’ose faire de même. Puis finalement. J’essaie de copier les photos qu’elle fait, les angles, les points de vue. Elle me conseille. ELLE ME DONNE UNE LEÇON DE PHOTO. On aime ensemble la beauté extrême, cette beauté extrême. Elle dit : « Oh, je crois, vraiment que Versailles, pour moi, est l’un des plus beaux endroits du monde ! » Oui, c’est vrai. C’est invraisemblable. Et puis elle fait remarquer que la neige transforme tout en noir et blanc. (Ses photos.) Au bout de la galerie des glaces, on va chez Angelina. Là non plus, il n’y a personne. On est les derniers à sortir. En rentrant, on passe à Vélisy-Villacoublay voir — c’est mon idée — l’expo de Damien Cadio. Nous sommes seuls dans l’expo, le vernissage n’est pas commencé. Je suis nerveux car j’ai peur que ça ne lui plaise pas. Et puis la salle est très moche — les normes, les normes actuelles qui ont fait fermer le parc au moment où il est le plus beau, où il a le plus de charme, où il se ressemble le plus. Puis Damien apparaît, rasé de frais. Je dis qq bêtises et puis on part parce qu’un journaliste l’accapare pour « Les Nouvelles de Versailles ».