Saturday, March 09, 2013

Passé simple



Entre le phare du Créac’h et la pointe du Pern, je m’assis sous un rocher et je lus : « Maintenant que les apparences trompeuses, les miroirs piquetés se multiplient devant les yeux, nos traces passées deviennent véridiquement les sites où nous nous sommes agenouillés pour boire. » Et c’était vrai. Je levai ma plume de chair et je constatai que c’était vrai. Toute l’eau coulait comme une grande lessive. Les yeux n’étaient que faibles à travers le mur, le mur du temp. « Un temp immense, nous n’avons circulé et saigné que pour capter les traits d’une aventure commune. » Et : « Voici que dans le vent brutal nos signes passagers trouvent, sous l’humus, la réalité de ces poudreuses enjambées qui lèvent un printemp derrière elles. » C’était Ouessant. C’était Ouessant, cet hiver du 9 mars, Ouessant des agneaux déjà nés. Et le poème s’appelait : Vétérance. Errance, errance, vétérance... Le phare pointait toujours debout comme une bite, bien en face. Et les rochers, tout près, comme les esclaves de Michel-Ange ou les Rois mages ou le chasseur Orion ou des années-lumière d’êtres lointains — et discourant. Les familiers reproches, regards des géants. Ouessant, toujours, était mon lit, mon berceau. Grande ville voisine : Brest ; j’y serai ce soir. Et je me mis à dire à haute voix le poème Vétérance, un peu avec la voix d’Alain Cuny, le poème que j’avais l’impression d’avoir compris. Mais la mer ne s’arrêtait pas — et elle aussi et les rochers — de discourir. Joyeuse tempête calme de la mer à Ouessant qui rassérène aujourd’hui  du 9 mars . 9 mars. Chasseur d’été. Comme c’était lent et long d’aimer chaque pierre, chaque rocher ! Le bateau allait partir et me laisser là (il fallait bouger). Je lus aussi La Flamme sédentaire (le recopier). Je le lus directement à haute voix — car j’étais pressé et je m’étais réveillé. « Précipitons la rotation des astres et les lésions de l’univers. Mais pourquoi la joie et pourquoi la douleur ? ... »

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