Sunday, May 05, 2013

Il était une fois


C’est un rêve, c’est à Marseille, au moment de l’impression de la plaquette de saison. Il était descendu à Marseille pour fuir le monde vers son enfance, le bord du voyage, le bord de disparaître, l’enfance, quoi. Le bord du bord. Et il a fait un rêve dans la matinée déjà blanche, un rêve de spectacle comme il en fait souvent, souvent. Le spectacle, ici, ne nous importe pas, un monologue, un spectacle « inoubliable » par un comédien, mais peut-être un prêtre ; ce spectacle, nous n’en saurons rien, il est le spectacle, vu et non vu, vu en rêve. A un moment, il y a les enregistrements de ce spectacle, mais on ne lui donne pas la cassette (une cassette

— à l’instant, une tourterelle est entrée dans la chambre blanche et a voulu ressortir par l’autre fenêtre fermée. Pas idiote (pas idiote comme un moineau) elle est ressortie par la même fenêtre, la fenêtre précédente, celle par où elle était entrée —

VHS qu’il n’aurait de toute manière pas su lire). Il a acheté le texte du spectacle — dans un beau livre blanc Fata Morgana. L’auteur (une femme) était là dans son box blanc, éclairée comme Spinoza. Alain Neddam n’était pas loin, c’était à lui qu’il s’adressait pour raconter... pour raconter... la perte ? Les parents avaient aussi passé, figurants, pas loin, tout proche...






D’abord le titre du texte, le titre de la plaquette est Un deux trois. Je reviens sur mes pas, j’hésite (comme un adolescent) pour demander à l’auteur qui, dans sa cellule blanche, dans sa cabine travaille, l’air indérangeable comme un moine. En lisant encore, je vois que la — c’est une femme — déranger sera inutile car je lis maintenant :

O to i l ettre (aux toilettes ?)

Puis, plus avant (il y a encore quelque chose...) :

O to i, l ettre, telle qu’elle peut l’être

Je me réveille dans du blanc, c’est la paupière — à Marseille — dans la pleine lumière de près de 10 heures
Pendant un instant, le jour du réveil est le jour brûlé
Est le jour frais, est le jour d’enfance
Est le jour de voyage
On se réveille on ne sais où : dans le monde
Enfant du voyage
Et je pense à ce titre pour Les Bouffes
Ce titre difficile, mais apparu en rêve
Donc qu’il faut croire
Et j’ajoute : opéra imaginaire
Qu’il faut croire car il y a l’espace de la résonance que l’on désire






O to i, l ettre, telle qu’elle peut l’être

opéra imaginaire

une décomposition-recomposition des forces

peut-être qu’on n’y chantera pas, c’est l’idée, l’idée à l’œuvre, l’absente de tout bouquet, qui fait l’opéra

tout est ouvert comme d’habitude, la poésie, c’est la virgule






L’histoire, la voici : Y N G une fois a vu des tigres, des petits tigres chez un dresseur près de la Loire. Peut-être 2 heures, mais la journée a été prise tout à ça, trains loupés, stop infini dans le pays français, mais l’énergie a été donnée pour toujours. Le soir, il allait voir Le Crocodile trompeur, de Jeanne Candel et Samuel Achache, sans ses lentilles de contact (il habite tout près des Bouffes du Nord, il est descendu de chez lui comme en pantoufles). Il n’a rien vu mais, doué de l’énergie des tigrons, il s’est incorporé le spectacle comme s’il l’avait rêvé. Bien sûr, il n’a pas reconnu Judith Chemla qui jouait et chantait Didon. Il a reconnu La Callas ou Delphine Seyrig ou la robe (la couleur de la robe) de Claude Degliame dans Grand et petit... Il est devenu ami avec Jeanne Candel et Samuel Achache. Il a été heureux qu’ils lui disent qu’ils connaissaient et appréciaient son travail. Il est revenu voir le spectacle — encore une fois sans lentilles, mais d’une autre place, d’un autre point de vue  : éblouissement toujours massif ; puis une troisième fois, cette fois-ci avec les lunettes et du premier rang : il a vu tous les visages et celui de Judith. Tout ça valait le coup ! Les visages et les flous. Les tigres. Les visions et les dévisions. Quand Olivier Mantéi et Olivier Poubelle l’ont convoqué pour lui proposer de faire qqch le 1er avril, il a évidemment parler de ce spectacle idéal, de Jeanne Candel et Samuel Achache, qu’il avait cru être le sien.

Il a dit qu’il lui faudrait se démarquer de ce travail pourtant, pour lui, idéal, aux Bouffes du Nord, qu’il ne fallait pas qu’il fasse Le Crocodile trompeur en forcément (car avec moins de moyens) moins bien. Et puis, au bout d’un temps, au moment de la plaquette de saison, il s’en est foutu, il a tout raconter dans la plaquette. Car, quand vous avez peur de faire moins bien, faites moins bien. C’est ce qu’il avait au moins compris ces derniers temps. Cherchez à faire moins bien. Non, mieux, ne cherchez pas : faites moins bien. Less is more, vous le savez.



Puis il reçoit un message sur son téléphone : « Tout ce qui brille n’est pas or »

Tout ce qui brille n’est pas d’or

Tout ce qui brille n’est pas Laure

...

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