L a Soirée des effets ratés
Ce soir, pour la deuxième
fois de ma vie à une première, l’alarme incendie a interrompu le spectacle
avant la fin. La première fois avait été, à La Villette, pour Hamlet. Ici, c’est un théâtre flambant neuf. On n’en peut
plus du mal que l’on nous fait, de ces humiliations permanentes. Hubert Colas
avec qui j’en parlais me disait : « Dans 10 ans, on n’existe
plus ». Nous, les artistes. Et ce n’est pas seulement nous, mais du mal
que ces tueurs font à l’humanité en général. Ces salles de théâtre sont comme
des morgues, mais tout, partout, c’est la mort. Ça pue la mort. Tout est temple
du Salon de la Norme. Et tous les jours de nouvelles directives. On met
maintenant des trucs lumineux au plafond qui sont des « anti-paniques »,
on ne peut pas les enlever. Tout est fait pour décourager de vivre. Il paraît
que c’est au niveau européen, que chaque pays a ses propres normes et que
l’harmonisation se fait en les additionnant toutes. C’est pas seulement ça. Et
les enfants qui naissent. Quelle horreur ! Moi, je suis d’un temps où l’on
pouvait avoir le silence et le noir et la beauté dans un théâtre (« boîte
noire »), où l’on pouvait y faire du feu, de l’eau et de la magie. (Kafka :
« C’est là l’essence de la magie qui ne crée pas, mais invoque »)
Moi, je ne dors jamais dans ces hôtels aux normes où l’on attrape (vraiment) la
mort, je n’achète plus la nourriture chimique du XXème siècle, mais je peux me
retrouver à jouer dans des théâtres pareils. Et j’ai renoncé à avoir des
enfants. Ils nous font payer le prix fort. Je les hais personnellement comme si
j’avais en face de moi mon bourreau. Les spectateurs qui le souhaitent peuvent
revenir demain avec le même billet pour voir l’intégralité du spectacle L’Invention de la course à pied. 22h.
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