M on cœur est un palais flétri par la cohue
La richesse éclatante. Un
loft près de la place des Victoires. En fait, au 5, rue du Mail, juste
au-dessus de chez Martine Sitbon. Des œuvres d’art contemporain, des grands
noms. Beaucoup de jeunes hommes très grands. Des mannequins ? ou simplement
des gens riches ? Les filles aussi, grandes. Et moi qui écris dans ce
carnet. A un moment, les lumières se sont éteintes. J’ai eu peur. C’était immense.
J’étais sur la terrasse. Ce qui me fait peur, dans ces endroits, c’est la
circulation de la drogue. J’ai l’impression de ne voir que ça, de ne comprendre
rien au monde et — d’ailleurs — pourquoi vous en parler ? La lumière est
revenue. J’ai décidé de refaire un tour des œuvres d’art. Un jeune acteur de
cinéma est passé, celui qui ressemble à un loup, qui fait la pub pour le
Chanel… furtif… eh bien, il est aussi très beau dans la réalité… l’enfance d’Hannibal… « Gaspard Ulliel,
m’a dit Marion, c’est le meilleur ami de Damien » — Damien qui, bien qu’il
me dépassât d’une tête, n’avait pas pu faire entrer Boris et Florent bloqués
par le portier : « Il lui a carrément ri au nez. » Marion avait
réussi en disant au vigile que j’étais un metteur en scène célèbre et que, si
je n’entrais pas, il allait perdre son poste. Elle est comme ça, Marion (et ça
avait marché). Malheureusement, Boris et Florent n’étaient visiblement — même
pour un portier — que des jeunes éméchés (au presque tout dernier degré) et ça
se voyait. Eduardo Arroyo, Jacques Monory, François Morrelet, Jacques Villeglé,
Tom Wesselmann, Jean Prouvé… On était censé être chez le « petit-fils à
Picasso ». C’était curieux, cet endroit, j’avais du mal à en comprendre le
charme, c’était comme dormir dans un musée. Après tout… Il est vrai aussi que
c’était aussi habiter un château, la hauteur sous plafond, les plafonds peints
sacrément 18e, les canapés profonds… Comme tous ces gens étaient
grands ! comme ils allaient vite ! Ce peuple de dominants, comme il
allait ! Ils étaient tous à courir comme en plein jour dans cet immense
territoire de savane. Je me demandais si le fait que ces gens aillent si vite…
à cause de la drogue… Ils ne dormaient donc jamais ? quand ? c’était
inimaginable, à les voir. J’avais une pensée émue pour les homos. Il n’y en
avait pas un seul. Les pédés ne faisaient décidément pas partie des dominants
(je devrais faire plus attention à eux). Je remarquais un Black ; au
moment où je le remarquais, il ramassait mon verre et tous les verres :
c’était le serveur évidemment. Il portait la file de verres empilés plus haut
que lui dans la lumière d’un projecteur et c'était beau — une idée pour la Ménagerie ?
mais qui le ferait ? C’était vide : on m’avait amené là, on m’avait fait
entrer : j’étais tout seul. Mes amis avaient dû croire que j’étais parti. Je
l’avais dit à Marion que je n’allais pas rester. On s’était perdu dans ce 800
m2 sous éclairé. Je partais, ça n’avait juste servi à rien. Il y avait encore
quelqu’un qui me parlait : « You’re all right ? — Yeah. — You’re
sure ? ». C’était sur les pavés dans la cour. Il faudra que je
demande à Marc Ascoli chez qui j’étais, en fait. En Vélib’, je passais devant d'autres fêtes, d’autres
musiques, c’était comme un printemps. Ma poésie — devais-je m’en
inquiéter ? — était de plus en plus orientée vers le secret, le plaisir
que j’avais de ne rien savoir des gens avec qui je
travaillais — comme la rue —, ne rien deviner, ne rien savoir, vivre et sentir
le monde des apparences. Les églises massives et éteintes étaient magnifiques.
Labels: paris stage
0 Comments:
Post a Comment
<< Home