L ’Abandon du lien du sang
« «
C'était la nuit, et la pluie tombait ; et quand elle tombait, c'était de la
pluie, mais quand elle était tombée, c'était du sang. » Ces mots d’Edgar Allan
Poe s’appliquent à merveille au lent processus de dislocation mondiale en
cours, où tous les événements en apparence anodins (« la pluie ») viennent se
combiner pour saper les fondations du système international qui se meurt (« le
sang »). Si ce processus est lent, si ces événements
peuvent paraître anodins, c’est paradoxalement parce que la crise actuelle est
la première crise systémique véritablement mondiale : bien plus profonde que
1929, elle touche
tous les pays et bouleverse le coeur du système. Là où 1929 était une crise
d’adolescence de la nouvelle puissance mondiale, les États-Unis, nous vivons
actuellement les derniers jours d’un condamné, et ce condamné est la
superpuissance qu’on a connue depuis 1945. Mais toute l’organisation du monde
s’est bâtie autour des États-Unis et
personne n’a intérêt à ce qu’elle s’écroule avant d’en être complètement
découplé. Il s’agit donc pour tous de s’en dégager en douceur en sauvegardant
les apparences usuelles afin d’assurer une transition sans heurt, ce qui
explique la lenteur du krach en cours.
C’est un peu
comme des parents qui tentent de quitter la chambre de leur bébé à pas de loup
pour éviter qu’il se réveille et se remette à brailler : le bébé est le dollar,
et les parents sont
indignes puisqu’ils sortent pour l’abandonner. »
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