Un peu de com’
Récemment, le cinéaste Vincent Dieutre essayait de décrire — en ma présence — à quelqu’un qui ne les connaît pas le genre de mes spectacles : « Ce n’est pas facile à décrire… » Puis : « Des cérémonies rituelles d’une sorte de religion inconnue de la beauté » — ce qui, pour moi, a soudain résonné assez juste car cela rend compte de ceci : je ne sais pas, non plus, ce que je fais. Je ne sais pas d’où ça me vient — puisque je le fais depuis tout petit, mais sans antécédents aucun. Ma mère avait regardé une fête d’école où les acteurs-enfants portaient des masques de singes… voilà tout ! Il n’y a rien d’autre. Rien d’autre. Il est clair que les théâtres sont pour moi comme des temples. Des espaces protégés qui permettent quelque chose qui est de l’ordre du recueillement, de l’intériorité. Oui, je vois les théâtres comme des espaces matriciels, des grottes, des temples et, si je le pouvais, j’en rendrais l’entrée absolument libre et chaque fois que je le peux, je le fais, qu’au moins les pauvres ne soient pas laissés à la porte (les dons des riches sont traditionnellement acceptés). Le théâtre, pour moi, je le dirais d’une manière presque provocante, c’est l’espace où — presque — la démocratie se tait… Vous savez, les défauts… je ne reviens pas là-dessus… de la démocratie… Une autre chose qui se tait, au théâtre, se calme, s’apaise souvent — je ne sais pas par quel miracle —, c’est toute entière la Société du Spectacle. Dans mon théâtre tout au moins — mais beaucoup de mes collègues se retrouvent dans ce que je dis — , nous évidons le « Spectacle » que la Société produit à flux continu. Nous déconstruisons, nous « disparaissons » le Spectacle Permanent Pénible et Indolore de la Société et, si je le pouvais, pour ma part, je plongerais systématiquement les théâtres dans le noir total ! (C’est un combat, bien sûr, avec les « commissions de sécurité ».) Oui, comme le chante Alain Souchon : « On a soif d’idéal » — et de pas grand-chose d’autre ! Maintenant, un peu de com’ : Un opéra immobile, une illumination des voix, un éclaircissement du voyage, une frayeur de l’immensité pure, voilà ce que j’aimerais proposer aux Bouffes du Nord, tout ce qui y est déjà — car c’est dans les murs. Le fait même, pour moi, d’inscrire un travail aux Bouffes du Nord — théâtre insensé tant il est proche du rêve —, vaut manifeste ! Et je reprends à mes amis du Zerep cette formule : la « terre promise du spectacle »…
Yves-Noël Genod, 24 janvier
2014
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