Zurbarán
« Zurbarán, peintre caravagesque, baroque et franciscain, contemporain de Vélasquez, Murillo et Ribera, phare de l’art espagnol du 17e siècle, et dont l’équivalent français serait Georges de La Tour. Quand on a dit ça, on n’a pas dit grand chose et, comme toujours, c’est par les détails qu’on distinguera Zurbarán de Caravage, de Vélasquez, de Ribera et de Georges de La Tour. Alors, que peuvent bien avoir en commun cette capuche de moine, cette moitié de pomme et ce manteau de vierge — et qui n’appartiendrait qu’à Zurbarán ? Le manteau semble moletonné... bien que son extrémité laisse voir la fine épaisseur du drap bleu. La pomme boursoufflée est noyée dans l’ombre... de sorte qu’elle ne soit plus qu’une fine lamelle qui, plus bas, flotte dans le noir. Quant à la capuche qui recouvre la tête de Saint François, voyez comment la lumière met en valeur l’arête du tissu sur le côté droit du couvre-chef lisse et montagneux. Tout l’art de Zurbarán ramène ainsi les reliefs rembourrés d’un manteau, boursoufflés d’une pomme et montagneux d’une capuche à une pellicule de matière illusoire, à une coquille vide et fascinante — à l’image de ces crânes dont il ne reste que les os et les trous, et qu’on appelle justement des « vanités ». Chez Zurbarán, peintre mystique du dénuement, les objets les plus sobres et spectaculaires se résorbent dans l’illusion révélée de l’art de peindre. L’illusion de la matière vivante qui, si l’on soulève la couche picturale, se retrouve gonflée par le vent, mangée par le vide et rongée par la mort. »
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