Wednesday, March 12, 2014

C es très belles journées cancérigènes


Je ne me rendais pas compte que Patrick Sourd parlait si bien de mon travail… Que c’est admirable, l’intelligence ! Il m’a dit que, pendant longtemps, il ne savait pas comment en parler, de mon travail, que ça ne lui disait rien, il pensait simplement : « Assister à un spectacle d’Yves-Noël Genod, c’est comme être devant un feu de cheminée. » Et, après, il a dit des choses merveilleuses, mais même cette première phrase est merveilleuse, je trouve. De même la phrase d'Armelle Héliot qui n'avait pas aimé le spectacle du Rond-Point était très juste : « Le problème, c'est que Yves-Noël Genod traite un peu ses interprètes comme des plantes humaines ». Boris (d’Ambly) m’a dit hier que Les Bouffes, pour lui, étaient comme une immense cheminée, il voit du feu. Patrick Sourd et Fabienne Arvers enregistraient notre entretien pour une publication (éventuelle) dans « Les Inrockuptibles » et je les ai enviés car, au moins à 2 moments, Patrick Sourd a dit des choses si extraordinaires, j’aurais voulu les retenir (et je savais, bien sûr, qu’ils n’allaient pas transcrire ce qu’il disait, lui, mais ce que je disais, moi). Il avait compris que « le spectacle se crée en résonance avec le lieu ». Plus que jamais, ai-je dit ! Il avait aimé cette manière que j’avais eu d’expliquer, au début de l’avant-première de septembre, que le spectacle s’était fait en un jour et qu’ensuite j’avais demandé aux acteurs de le refaire : « Ce que vous avez réussi à faire une fois, vous devez être capable de le refaire ». Il a développé. J’ai noté : « donner du sens à qqch qui leur avait échapper ». Et il a parlé de médecins, d’une manière de soins : « Le malade devient responsable de sa propre guérison… l’acteur de sa responsabilité de retrouver ce qu’ils ont été capable de faire une fois ». Fabienne et Patrick m’ont laissé avec Rémy Artiges pour faire la photo qui devait aller avec l'entretien et m’ont soufflé le titre auquel ils pensaient : « Poison d’avril ». Il ne sont pas du tout sûr que ce titre — que je trouve génial — soit accepté, mais, du coup, avec mon ami Rémy on est allé acheter un bar de ligne chez le poissonnier-mon-ami-lui-aussi, on a marché dans la belle lumière mexicaine polluée et j’ai un peu frimé : « C’est pour une photo… » Ce soir, fenêtre ouverte ou fenêtre fermée dans l'après de cette journée cancérigène, j’ai dévoré le bar de ligne plein de plomb, de mercure et d’hydrocarbure. Au point où on en est, ces jours-ci, à Paris... Journées sublimes, printemps mortel.

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