C omment ne pas être conservateur
La déchristianisation de la
Bretagne, c’est phénoménal ! Il n’y a plus de curé à
Logonna-Daoulas ! Il y en a un qui vient de temps en temps pour une messe
exceptionnelle (pour « dire que », j’imagine). Mais, dans ma
jeunesse, enfin, dans mon enfance, il y a encore un instant, le seul problème
était de trouver une place pour garer sa voiture et pas trop loin parce que
sinon on arrivait en retard. Ma grand-mère était prête à 8h, le dimanche matin,
avec son sac sur les genoux. Mais, nous, les mécréants (enfin, je parle de la
génération qui conduisait ! les libres-penseurs, les soixante-huitards), on
faisait exprès d’arriver limite — pour affirmer son je-m’en-foutisme —, mais on
y arrivait tout de même. Souvent aussi on choisissait sa messe (ma grand-mère
s’en fichait, une messe est une messe).
On choisissait son église, on choisissait son curé, on choisissait son
église, tant d’églises, tant de curés (un pour chaque église), tant de choix,
tant de débats ensuite sur le sermon du curé, l’Hôpital-Camfrout, Daoulas (dans
la montée vers l’abbaye), Sainte-Marguerite, Rumengol (le 15 août) et, par
exemple, cette petite église près de la mer sur la route du Faou, ma préférée
où les hommes se séparaient encore des femmes, beaucoup encore en coiffe et parlant
breton bien sûr : tout cela pul-vé-ri-sé ! Bien sûr la capacité de la
Bretagne à l’autodestruction, au masochisme, je la connais depuis ma naissance,
les années pesticides, les années remembrement, les années lisier et puanteur
des cochons en batterie, j’ai toujours connues (preuve que je ne suis pas si
vieux, quand même). Mais le catholicisme résistait, quand même, l’au-delà
faisait encore peur ou encore rêver, les cieux se déchiraient le soir pour
montrer que le paradis bleu existait pas très loin… Maintenant, que vont
devenir toutes ces églises sublimes, ces clochers de dentelles, ces ensembles
aussi mystérieux et beaux que les ensembles sacrés du Mexique, coquilles
vides à présent, protégées par les clés aux lourdes portes de bois ?
Les cimetières autour des églises restent ouverts (mais la grille des portails
grince et se grippera). Dans l’un, celui de Logonna-Daoulas, mes grands-parents
reposent, dans un autre (celui de Plougastel-Daoulas), les grands-parents de
Bruno Perramant. Choc en famille : mes parents désirent la crémation. J’ai
dit non. Qu’est-ce que c’est que cette folie actuelle ? Je vois bien la
séduction du procédé, le côté magique, hop, disparition, on n’en parle plus, on
repart avec un sac des Galeries Lafayette avec un peu de cendre dans une urne, mais
c’est non ! Comment ne pas être conservateur ? « Trébuchant
d'espérance », oui...
Labels: bretagne
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