C'est très bien.
Parfait ! Pendant un moment, c'est un peu difficile à lire (pour moi)
parce qu'on sent que tu as une idée en tête — a priori — (« Je suis
Charlie », c'est nul) que tu essayes de faire passer, mais, à la fin, on
comprend le chemin — et ça se tient, surtout en relecture. Ceci dit, je pense,
au fond, et même en surface, que l'Autre, ça n'existe pas. Enfin, ce n'est pas,
au fond, très intéressant, parce que ce qu'on appelle l'autre, ce qui sépare,
c'est l'idéologie (et l'idéologie, tu sais ce que j'en pense), c'est ça qui
sépare de l'empathie. L'empathie s'arrête où commence l'idéologie. En fait, les
autres n'existent pas, je ne sais pas si c'est ce que je pense, mais c'est, en
tout cas, ce que je dis aux acteurs pour qu'ils jouent ensemble, je leur dis :
les autres, c'est pas les autres, c'est des alter ego, comme des parties de
soi-même... (Sinon on est dans la formule de Sartre, « l'enfer, c'est les
autres » qui n'est stupide que parce que justement les autres n'existent
pas.) C'est vrai que c'est mystérieux, l'apparition de ce slogan, « Je
suis Charlie », je me demandais aussi, et aussi qu'il soit apparu si vite,
si vite... Y a un mystère sur lequel on peut se pencher. Moi, je ne l'ai pas
employé, ce slogan, t'auras remarqué, il me gênait (sans doute dans le sens que
tu expliques) et je ne voulais pas aller non plus à la manif d'unité nationale
de dimanche, mais pourtant j'ai été content quand j'ai appris que cette manif
avait été si grandiose et, tout à l'heure, je me suis promené dans Paris dans
la belle lumière, dans le centre de Paris avec la foule et j'ai senti cette
unité, cet apaisement, cet ensemble : oui, c'était beau comme une ville
étrangère, nous étions unis par ces fragments de langage, le parler français
qui s'échangeait dans la foule... Sur la façade du Centre Georges Pompidou, il
y a cette photo imitant La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix, avec la date du 11 janvier et le
mot : « UNIS » — et j'ai trouvé ça assez juste, oui... Sinon,
personnellement, je pense que la conception anglo-saxonne du peuple est plus
réelle, enfin, plus réelle, c'est plus compliqué, ça permet de comprendre ça et
pas ça, Jorge Luis Borges en parle très bien, à propos du rossignol de John
Keats, il paraît que les Anglais, à cause de leur tel sens de l'individualité,
ne comprenne pas quand Keats dit que le rossignol qu'il entend est le même que
celui qui dans la Bible, etc.
L'espèce. L'Espèce humaine.
Bref, ton texte est très
bien. Ne change rien.
(Ce n'est pas tout à fait
vrai que le Charlie de la formule ne dit que la sidération devant le massacre
et la communion morbide avec les victimes, il dit d’abord une idée : la défense
de la liberté d'expression — qui n'est peut-être pas une idée, après tout, mais
seulement un sentiment vif. Mais c'est vrai, le côté
« schtroumpf »...) (Ce que je ne comprends pas, c'est la
déresponsabilité face aux événements : de quoi serions-nous responsables ? On
ne parle que des musulmans ou des religions tout le temps...)
« Je pense donc je ne
suis pas Charlie » : très bon !
Labels: correspondance
0 Comments:
Post a Comment
<< Home