Saturday, July 04, 2015

I l faut de tout pour faire un monde (Doit-on haïr la France ?, suite)


Et puis le plaisir de la France est revenu car, aujourd’hui, eh bien, j’ai lu une interview de François Cluzet dans « TGV magazine » que j’ai trouvée tellement bête que ça m'a fait rire. Et puis, dans le train pour Armentières, une famille de Ch’tis s'est assise à côté de moi (dans le « carré »), le père, la mère et la grande fille (des bons copains) et la mère m'a demandé : « Ça ne va pas vous déranger ? » J'ai trouvé ça si élégant qu'une femme me dise, car c’était le sens : « Ça ne vous dérange pas qu'une famille de ploucs comme la nôtre se mette à vous frôler ? » C’était ça, le sens. Le sens de la réalité. Oui, le monde, il est comme ça. On est comme ça, nous, qu’est-ce que vous voulez ? le bon Dieu nous aime quand même et, vous, vous êtes comme vous êtes, alors, ça ne vous dérange pas ? Et ces gens se moquaient si joyeusement de la société des riches qu'on nous offre si généreusement en trompe-l’œil — merci Bruno Dumont — que j'ai trouvé qu'il y avait de l'espoir. Sur une balustrade de cette société de la suppression des bancs, perché, adossé à un panneau publicitaire un vieux travailleur algérien en costume m'apparaissait comme la grâce et la disponibilité du monde. Ça, c’était à Lille. La dictature, oui, mais ne me demandez plus d'aller voter ! Allez vous faire foutre ! Et puis, peut-être en écrivant ce texte ou en écoutant cette famille idéale, j'ai loupé Armentières et je suis descendu à la gare de Bailleul à attendre le train dans l'autre sens, la femme qui m’avait parlé s’excusant presque comme si elle y était pour quelque chose. Elle y était pour quelque chose, au fond, c’est vrai, son art de vivre. Dans la gare, une femme somptueusement élégante aussi (comme la famille), c’est-à-dire épouvantablement moche, mais à l’âme rayonnante comme l’Evangile m'a demandé si je pouvais l'aider à prendre son billet à la machine. Mais avec plaisir, Madame. Et peut-être que tous ces gens qui riaient dans la gare comme des enfants de Dieu allaient voter Marine, mais cela n'avait aucune, mais aucune importance, maintenant je le savais, en tout cas dans le Nord : ils étaient vivants. C’est peut-être quand les riches voteront pour Marine que ça deviendra dangereux. J’imagine que quand Marine dit que tous les autres sont des nuls, ils pensent qu’elle a raison. Et c’est vrai que, sur ce point, elle a raison. Tous les autres hommes et femmes politiques sont des nuls, des menteurs. Mais, évidemment, le mystère, pour moi, c’est qu’il semblerait qu'ils la croient quand elle dit qu’elle, c’est le contraire, elle n’est pas menteuse...

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