L es Théâtres hantés
Yves-Noël,
Les circonstances font qu'on se croise souvent.
Le hasard (ou un peu de lui) fait que tes deux premiers opus m'ont énormément touché et impressionné.
Ce soir, l'épisode 3 prendra forme devant un public : public est un singulier pour dire un ou plusieurs. Je comprends que c'est mieux s'il est nombreux, mais que ça ne t'empêche pas de faire si ce n'est pas le cas. On ne peut parfois pas tout. Changer le réel, le temps, l'espace deux heures par jour au théâtre du Point du jour, c'est peut-être déjà pas si mal… et tant mieux pour ceux qui en profite. Et tant mieux pour ceux qui participent à l’éphémère métamorphose...
Tes spectacles touchent, comme des beautés ou des horreurs nous touchent sans qu'on y puisse rien. Comme quelque chose de physique qui nous emporte. En tout cas qui m'emporte. Déjà c'est bien. Parce que ce n'est pas si fréquent. L'« homme curieux » pourrait être celui qui fouine, qui maraude, qui s'échappe, pour chopper ces moments précieux. (Peut-être est-ce le problème du public, c'est que les hommes curieux se font rares ou sont déjà bien occupés.)
Mais ce n'est pas tout. On en sort avec comme une musique dans la tête, qui met en branle la recherche de sens et de références. On emporte de quoi s'occuper pendant un moment, en plus du souvenir de l'émotion brute.
Sur cet opus n°2, je me suis, par exemple, dit ensuite qu'il y avait des théâtres hantés, comme il y a (parait-il) aussi des châteaux hantés. Ce qu'il y a de bien avec les fantômes, c'est qu'ils ont laissé toute la matérialité de leur art, de leur être, de leur paraitre. Ne reste que l'essentiel, ce qu'ils ont gardé avec eux une fois la chair détachée des os.
Difficile de se mettre dans la peau d'un fantôme :-)
Ils nous semblent être eux, c'est TOUT.
Madame Tremblay n'est plus (et qui s'en plaindra?) entourée de son œuvre décorative. Le noir, le rose, la piste de course, le papier peint arc-en-ciel nous sont livrés sans l'image.
Traviata n'est plus que la passion qui l'envahi(ssai)t. Vivante, jusqu'à son destin. La passion, dans son habit de lumière tout de même, mais seulement la passion qui fait vibrer l'espace. Les ondes du son qui croisent celles de la lumière.
Et l’archaïque, l'animal. une image de l'inimaginable. Comme le corps, l'être métamorphosé que finalement Kafka nous laisse imaginer (ou en tout cas c'est le souvenir que j'en ai).
je fais court...
pour dire qu'une fois de plus (après l'épisode 1), c'est dans l'interstice que tout se passe, que l'on peut projeter notre subjectivité. Deux livres poèmes devenu chair dans le premier épisode qui vont coïncider, s'effleurer. Trois fantômes dans l'épisode 2, qui, mis en proximité, nous ouvrent l'univers de leurs entre-deux...
Pour dire plein d'autres choses.
Pour dire qu'il y a vivre, à ressentir, et à penser. Qu'il y a de la beauté et de l'intelligence.
Pour dire que je te souhaite un beau/bon/bien 3ème épisode en OR.
Merci et bravo :-)
Pierre Gardoni
Labels: correspondance lyon
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