Saturday, November 14, 2015

L a très mauvaise nuit


Déjà, ça fait du bien d’aller au marché. On a honte, on n’ose pas croiser le regard des passants déprimés, honte de prêter le flanc, soi-même, à la dépression. On se répète des mantra : le « scandale de la vie ». On se dit qu’il doit y avoir une solution. Vivre : une solution. Et puis, au marché, les gestes, choisir, demander, sortir sa monnaie, « Passez un bon week-end ! » A la traversée du boulevard, un petit bouchon de voitures et de passants, une femme se fait klaxonner, elle dit « Connard ! » et je ne dis rien, mais j’ai le temps de penser comme elle (parce que, c’est vrai, les automobilistes, à Lyon). Mais, de l’autre côté, une femme sagement arrêtée sur la berge et sous l’indicateur fait remarquer que « pour nous, c’est rouge » et la femme qui a traversé lui répond — mais, là, l’accent lyonnais est important : « C’est vrai… Et je l’ai insulté en plus… J’ai passé une très mauvaise nuit… » Je repars plus heureux du plaisir de vivre (l’accent est important). Je pense que les comiques, les humoristes sont les sages car ils savent tout, ils savent tout ça. La compassion, c’est parce que l’horreur est déjà là. Je pense à Valérie Lemercier… « J’ai passé une très mauvaise nuit… » Gwen m’envoie un message : « Est-ce que ça va pour toi ? » Oui, rien à signaler jusqu’à présent (à part l’accident de Manou qui est tombée de scooter hier après-midi). César avait un ami au Bataclan, mais il s’en est sorti. Au moment des attentats de Charlie, j’étais au ski, au soleil, je priai pour rester loin de ça. Jeanne, bien sûr, était scotchée aux infos, on essayait de la dissuader, Bertrand et moi, je pense à elle, ce soir, très empatique. Je pense aux fragiles. J’étais plus fragile lors de l'attentat de Saint-Michel, je me souviens, ça avait été terrible. Pour les gens déjà déprimés, bien sûr, le plancher s’effondre… Et puis la nouvelle était tombée sur les petits écrans dans le paysage de neige, Philippe Lançon était touché.

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