A rs longa, vita brevis
Délicieux plaisir de parler ce matin dans l’appartement de Pierre avec une femme qui prépare une thèse sur la beauté… Elle me demande ma définition de la beauté, mais elle m’en donne de très belles. Par exemple, de Nietzsche, « La beauté est une flèche lente ». Elle me parle du concept de Deleuze du « trop beau », du « choc de la beauté » (qui pour elle est de l’ordre du sublime) et je trouve sur le Net cette citation en effet de Deleuze : « […] dans l’admirable Stromboli, tous les circuits de pensée de l’héroïne vont correspondre à des aspects de plus en plus profonds de la réalité de l’île, de la réalité insupportable, insoutenable de l’île. Depuis la pêche au thon et la mort du thon lorsque à quoi correspond comme circuits de pensée la réaction d’horreur : « Non, ne me le faites pas toucher ». Et ça se passe au bas de l’île, et normalement ça finira dans l’explosion volcanique et dans le grand cri de l’héroïne : « Mon Dieu, c’est trop beau, je suis finie ». C’est trop beau, je suis finie... Quelque chose d’insupportable qui réunit les circuits les plus extrêmes de la pensée avant que tout craque auquel correspond la révélation cette fois-ci de toute l’île vue d’en haut, avec le feu du volcan, l’île toute noire sur la mer noire […] » Sophie Rieu a vu Or, elle a vu La splendide actrice, elle a vu Leçon de ténèbres et elle vient, ce soir, voir Rester vivant, le final dans le noir profond — et avec l’aide insensée de Baudelaire — de la fabuleuse épopée du Point du jour que m’a permise Gwenaël Morin, Leçon de théâtre et de ténèbres. En effet, la beauté est une flèche lente et elle a — ici — été tirée pendant quatre mois. Elle est maintenant au bord d’atteindre son but, mais l’atteindra-t-elle jamais ? Selon le paradoxe de Zénon, il lui restera toujours la moitié du chemin à parcourir, un coup de dé jamais n’abolira le hasard, ou, comme le reprend Baudelaire : « L’Art est long et le Temps est court ».
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