Tuesday, June 21, 2016

L a Course heureuse et les vents joyeux


« Dans les pays (civilisés), presque tous les hommes se ressemblent en ceci qu'ils cherchent du travail à cause du salaire ; pour eux tous le travail est un moyen et non le but lui-même ; c'est pourquoi ils mettent peu de finesse au choix du travail, pourvu qu'il procure un gain abondant. Or il y a des hommes rares qui préfèrent périr plutôt que de travailler sans que le travail leur procure de la joie ; ils sont minutieux et difficiles à satisfaire, ils ne se contentent pas d'un gain abondant, lorsque le travail n'est pas lui-même le gain de tous les gains. De cette espèce d'hommes rares font partie les artistes, les contemplatifs et les aventuriers. Tous ceux-là cherchent le travail et la peine lorsqu'ils sont mêlés de plaisir, et le travail le plus difficile et le plus dur, si cela est nécessaire. Mais autrement ils sont d'une paresse décidée, quand même cette paresse devrait entraîner l'appauvrissement, le déshonneur, des dangers pour la santé et pour la vie. Ils ne craignent pas autant l'ennui que le travail sans plaisir ; il leur faut même beaucoup d'ennui pour que leur propre travail puisse leur réussir. Pour le penseur et pour l'esprit inventif l'ennui est ce « calme plat » de l'âme qui précède la course heureuse et les vents joyeux ; il leur faut le supporter, en attendre l'effet à part eux ; c'est cela précisément que les natures moindres n'arrivent absolument pas à obtenir d'elles-mêmes ! Chasser l'ennui de n'importe qu'elle façon est aussi vulgaire que travailler sans plaisir... »

Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home