Sunday, November 20, 2016

O n accuse parfois les artistes


« On accuse parfois les artistes de vivre au crochet de la société, mais c’est exactement le contraire. C’est la société qui vit au crochet des artistes. Sans art, aucune société ne serait vivable. Ce sont les artistes, tous les artistes, avec leurs tentatives, leurs talents aléatoirement distribués, sur lesquels d’ailleurs ils n’ont guère d’influence, qui rendent quelquefois vivable le terrain de notre existence. De la mode aux mythes fondateurs, des films imbéciles aux livres profonds, de la musique aux images, en passant par les meubles, les couleurs, les formes, les idées, chacun se nourrit de culture, nul ne sait vivre sans culture. La culture — qu’on la juge vulgaire ou pointue — demeure la part la plus intime, la plus fondamentale de chacun. Si les artistes ne se sentaient pas autorisés à tenter, s’ils ne se battaient pas pour créer (la création est toujours une bataille), si seuls les grands artistes, ou seuls les génies passaient à l’acte, il n’y aurait plus d’artistes. On les accuse parfois d’être paresseux, mégalomanes. Il ne faut pas être artiste pour asséner une chose pareille : les artistes sont des hommes (et des femmes) qui ont des défauts d’hommes (et de femmes), mais leur quotidien est d’abord une permanence d’angoisse, de remise en question, de doute, de comparaison, de crise d’inspiration. Leur vie, un sacrifice parfois heureux. Ne jugeons pas les artistes sur leurs capacités, de toute manière disparates : remercions-les de créer tout simplement ; du moins ne les en empêchons pas. Nous avons besoin d’eux. »

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