Wednesday, November 02, 2016

Salut Pascale ! 
dans mes recherches sur Proust (je travaille pour le spectacle de février qui s’appellera (justement) La Recherche), je tombe sur une passage du Temps retrouvé  que, je me rends compte, j’espérais (parmi tous les fatras des études) — qui dit (au moment où pendant la guerre de 14, des cathédrales sont détruites) : « j’adore autant que vous certains symboles. Mais il serait absurde de sacrifier au symbole la réalité qu’il symbolise. Les cathédrales doivent être adorées jusqu’au jour où, pour les préserver, il faudrait renier les vérités qu’elles enseignent. Le bras levé de saint Firmin dans un geste de commandement presque militaire disait : Que nous soyons brisés, si l’honneur l’exige. Ne sacrifiez pas des hommes à des pierres dont la beauté vient justement d’avoir un moment fixé des vérités humaines. » Tu sais que je n’étais pas très sensible à la phrase de Sartre dont se moquait Thomas Clerc dans une chronique de « Libé », « J'ai vu des enfants mourir de faim. En face d'un enfant qui meurt, La Nausée ne fait pas le poids » — parce que je n’ai pas lu La Nausée et que j’ai été éduqué, de plus, à détester Sartre (par Duras et Sarraute rencontrées tôt). Mais Proust, eh bien, c’est bien différent. Lui qui comparait justement son œuvre à une cathédrale… (Il dit aussi dans une lettre la même chose : « Je pleure et j’admire plus les soldats que les églises qui ne furent que la fixation d’une geste héroïque, aujourd’hui à chaque instant recommencé. ») Alors, voilà, je voulais te dire que je progressais dans la compréhension de ce qu’on appelle l’engagement, et même la littérature engagée : si c’est Rimbaud ou Proust qui le disent, je comprends mieux. Ça me paraît toujours aussi dingue, mais je l’entends — n’ai-je pas appeler mon association Le Dispariteur ? les formes peuvent disparaître, certes, mais j’étais loin de penser à celle de Proust… — et je comprends d’autant moins ce qu’il se passe maintenant : une foule de spectacles à Paris tous plus beaux les uns que les autres, réellement admirables, je n’en vois qu’une faible partie, les artistes donc très, très en forme et pourtant rien, un silence total, sur la compassion ou la pitié qu’on attendrait contre la violence faites aux pauvres, aux réfugiés, aux bêtes, à l'air, à la terre, etc. Ces valeurs que chantent les œuvres d’art, n’ont pourtant de sens que de n’exister qu’en dehors des œuvres d’art. Je ne comprends pas. Ça me rendrait ces spectacles admirables presque bêtes. Est-ce que la situation n’est pas encore si alarmante ? — ou au contraire est-ce déjà trop tard ? Autre question : Si tu connais à propos de Proust et de La Recherche, qqch au-dessus de la monnaie courante, signale-le moi s’il te plaît…
T’embrasse

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