L a Force
Joris Lacoste m’a invité à voir sa pièce Suite n°2. M’a invité. Deux places. C’était si gentil. C’était si gentil parce que personne ne m’invite plus. J’ai accepté immédiatement. J’ai cru qu’il m’invitait parce que la salle était vide, pas du tout ! c’était plein comme un œuf. Personne ne m’invite plus, il me faut mendier. Pas la force, parfois. Je laisse passer les spectacles, je ne vois plus grand chose. J’ai connu un temps où j’étais invité partout, je ne le suis plus. Ça m’est totalement égal. J’ai le tempérament d’Oscar Wilde, la gloire et puis la chute. Ou celui de Richard II, encore plus beau (infiniment beau) qui hésite entre tyran et mendiant sans se décider, tyran et puis mendiant. Mais Joris qui est un prince m’a invité. J’ai de la chance. Je suis fier. Joris, sans compter sa gentillesse, est l’un des plus grands metteurs en scène français. C’est le fleuron de la France. C’est un prince solide. Je me sens sous sa protection. Mon suzerain. Avec lui, je n’ai pas peur. Son spectacle est une tuerie de virtuosité. Sur scène, il y a cinq imitateurs qui jouent à la perfection des paroles et des paroles, des discours… Enfin, je ne vais pas décrire ce spectacle, je veux juste dire l’essentiel : il se passe dans le réel. Et, finalement, c’est très rare de travailler dans le réel. Gwenaël Morin. Laurent Chétouane. Joris Lacoste… Et, finalement, c’est important, le réel. Depuis que Poutine est le maître du monde (en France, de Le Pen, de Fillon et de Mélenchon) et qu’il gagne la guerre mondiale. Il gagne la guerre mondiale. C’est important, le réel, parce que les maîtres du monde et leurs conseillés, leur objectif, c’est de saper les perceptions que les gens se font du monde, du réel, justement, afin que, les gens, ils ne savent jamais ce qui se passe vraiment. Une déroutante pièce de théâtre, ils font du monde. Ils projettent un perpétuel renouvellement d'impressions diffuses et d'informations invérifiables, vaguement reliées entre elles par un brouillard de désorientation, d’angoisse, c’est ce qu’ils font, les maîtres de l’obscur, en utilisant beaucoup les réseaux sociaux. Mais ce que nous faisons — que mes glorieux mentors me permettent de m’allier à eux comme à des frères —, est exactement le contraire : la recherche de la vérité. Dire ce qui se passe vraiment. Pas tricher. La fréquentation du réel. Pas tromper, pas manipuler. Etre sur le terrain. Voilà enfin que nous comprenons à quoi sert le théâtre.
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