Yuika évoque immanquablement Duras jeune (et je me suis souvenue d’elle disant : « Moi aussi j’ai été jeune et jolie, vous savez »), elle réalise cette histoire arrivée à Duras, il y a très longtemps, là on le voit, on le comprend. Cette rencontre qui va la séparer de sa mère, de ses frères. On réalise l’extrême jeunesse, les petits seins, ce qu’on appelle aujourd’hui la pédophilie de celui qui tombe en amour d’elle, en amour extrême, ce qui les sépare, tous les deux, cette sorte de crime, que cet amour commet, qu’elle ressent, l’entrée en féminitude, le pouvoir absolu qu’elle découvre de sa séduction, sa cruauté, sa chair, l’ambiguité totale, de ce qu’elle appelle sa perversion à elle, inéluctable, et le choix qu’elle fait, d’y aller, d’aller vers l’inconnu, de devenir seule, de s’incarner dans le désir de cet homme, qu’elle débusque, qui en pleure. L’évocation des femmes, des autres femmes, de toutes les autres, qu’elle imagine à celui qui devient son amant, à elle aussi, elle, alors, parmi les femmes, reniant, méprisant, déniant, le statut d’exception qu’il lui aurait plutôt voué. Et alors la grande sensualité, beauté, fragilité, douceur de la peau, du sexe. La volupté et cette évocation de la mère encore. Et puis, après-coup, la découverte de ce qui se nomme à peine, le soupçon de l’amour qu’elle aurait eu pour lui, quand il s’en va. Cela est dit extraordinairement, avec grand sérieux, aplomb, ce sérieux de l’enfance, et tout le temps est pris pour dire, pour nous dire, et dans les silences, faire résonner les échos de cette histoire lointaine, qui indubitablement a eu lieu, a marqué, à jamais, celle qui l’a écrite, qui n’a plus cessé de l’écrire. Alors, la finale, la sortie, très très belle de Yuika, la perte, que l’on éprouve, d’elle, de la beauté qui vient d’avoir lieu, en allée, sans retour. On comprend une fois de plus qu’il faut à la beauté d’être perdue. Et cette perte rejoint la cruauté de la jeune fille, de l’enfant, qui saura chérir ce qui d'elle s’en va, et le gain qu’elle en retire, pour la volupté du corps d’abord, et puis l’écriture. Genèse.
Encore une fois, merci, et à elle aussi. Grâce lui soit rendue.
Amicalement,
Véronique Müller
Anaïs de Courson
Je ne savais pas du tout ni la dureté de ce texte ni sa tendresse, je ne savais pas non plus ni ma propre dureté ni ma propre tendresse, j'avais oublié la surprise sidérante de chaque ligne, merci Yuika, et Yves-Noël et ce café Pas Si Loin où on voudrait toujours revenir.
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