Sunday, January 14, 2018

D on’t judge a work on a moral level


Pourquoi je ne suis pas féministe ? Parce que je ne supporte pas que « les hommes » soient accusés. Deux faits personnels. Quand j'avais quinze ans, j'ai eu deux mères de substitution, Marguerite Duras et Nathalie Sarraute, aucune des deux ne supportait le féminisme, aucune des deux ne voulait être réduite à une figure  d’« écrivaine », aucune des deux ne supportait que son œuvre soit limitée, ni par des hommes (Barthes, Sartre) ni par des femmes (les féministes), à cette notion d'« écriture féminine ». Nathalie Sarraute disait que, quand elle écrivait, elle était un « neutre » et Marguerite Duras disait qu'elle était « tout ». Vous les reconnaissez, n'est-ce pas ? Deuxième point de mon histoire : chez nous, c'est chez notre mère que s'est incarnée la prédation. Mon père, que j'ai souvent engagé dans mes spectacles, décédé en avril, était la délicatesse même, ceux qui l’ont vu dans ces rares spectacles peuvent en témoigner. Il m'a sauvé la vie. Il n'a pas réussi à sauver (ni moi non plus) la vie de ma sœur. Pour les filles, dit-on, le modèle de la mère est encore plus fort que pour un garçon. On a dit qu'elle ne pouvait pas s'en sortir. Voilà certainement pourquoi j'aime certaines femmes et pas d'autres. Voilà pourquoi je suis — aussi — misogyne. Et cela n'a rien d'original. Les femmes que j'aime sont de celles qui ont signé la tribune tant incriminée. La tribune dite « Deneuve ». C'est-à-dire des femmes qui ne se sentent pas exemptes du jeu de la domination. Ceux qui sont dans le mauvais rôle — et aussi ceux qui sont dans le bon rôle — ne sont pas forcément à la source de leurs intentions. Dans ce fabuleux empire du Bien, international, pavés de bonnes intentions, la violence et la haine ne tardent pas à se démasquer (comme dans tout empire du Bien). S'il y a un système de domination des hommes sur des femmes, ce qu'on appelle le patriarcat, ce système est reconduit à chaque génération par des femmes. Ce sont des femmes (me dit-on) qui, dans certaines régions du monde, pratiquent l'excision. C'est, sans nul doute, des femmes qui fabriquent les machos, dans la toute puissance de leur mise au monde. La violence d'une Caroline de Haas reconduit, en un sens, ce système. L'hystérisation du « moi je » (la maladie de ma mère), le mensonge, le contrôle, le « ferme ta gueule », le « tu n'existes pas ». On dira que c'est le jeu du militantisme. Personne n'est obligé d’y souscrire. Ni Sarraute ni Duras — ni Moreau ni Deneuve — n’y souscrivait. On avait un peu de peine pour Delphine Seyrig parce qu'on l'adorait. Il y a toujours des exceptions, des contradictions : Monique Wittig pourtant militante jusqu'au boutiste avait un art bouleversant que Nathalie Sarraute (qui combattait ce militantisme) portait dans son cœur. La lutte contre le sexisme devrait être un art subtil puisque ce sexisme est d'une fabrication commune. Ce n'est pas comme libérer des esclaves. Les indigènes, les pauvres, les étrangers sont dominés par des plus forts. Mais « les femmes » et « les hommes » semblent s'entendre, de manière si ancienne, au détriment des enfants, dans le partage du pouvoir accordé aux uns et aux autres. Matriarcat-patriarcat et vice versa. C'est ce que pointe un sketch de Louis C.K. que j'ai découvert après que sa carrière ait été, du jour au lendemain comme l'on sait, pulvérisée pour quelques anciennes branlettes devant quelques admiratrices. Je peux certes imaginer que des femmes souffrent plus puisque, dans le jeu de leur domination, elles se relient peut-être plus aux sensations instinctives, c'est-à-dire aux souffrances vraies  — mais aussi aux joies vraies, aux tendresses vraies que recherchait « notre jeune homme », Marcel Proust, dans les livres qu'il lisait et ceux qu'il écrivait, ni féminin ni masculin, mais « tout ». Ce petit texte ne dit presque rien. Le vrai sujet est sans doute à quel point la beauté d'une jeune femme peut rendre fou de douleur un homme qui ne l'est pas, lui, ni jeune ni femme ni belle. J'ai connu, moi aussi, cette catastrophe — et Proust ou Baudelaire — ou Duras — l’ont infiniment chantée. L'élégie, la plainte sont communes depuis que le couple a été chassé du paradis. « Tu travailleras à la sueur de ton sexe », comme l'entend Pierre Guyotat

P.S. — 29 janvier : Texte illisible, trop retouché (j'ai demandé leur avis à plusieurs personnes pour finalement ne pas le diffuser — sauf ici où il n'est pas lu). Ça n'a aucune importance, ce qu'il se passe et on n'y peut rien. Il faut laisser la bêtise se regarder en miroir et les femmes se persuader qu'elles ne veulent pas castrer les hommes. Laisser ça, ne pas prendre parti, raser les murs, s'éloigner de toutes les femmes en attendant que ça passe peut-être, regarder les hommes (seulement hétérosexuels), de la même façon qu'on regardait les femmes avant ; il reste quelques années avant que les hommes hétéros se plaignent du regard d'un autre homme, être très-sévère avec les tentatives de harcèlement féminin (j'en subi encore beaucoup, même vieux et moche que je suis) et savoir au fond ce qui n'est jamais dit en ce moment : l'amour non partagé est de loin le plus commun.

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