Tuesday, May 22, 2018

P ar cœur


J’ai regardé une interview de Edouard Louis qu’a réalisée Pablo et, en commentaire, j’ai écrit ça : « Mon Dieu ! si sexy et si déprimant... Discours, discours, discours... Blablabla. Pourtant j'ai beaucoup aimé son premier livre. Mais c'était avant de l'entendre parler... Tes questions sont très bien, en revanche. » Tout à l’heure, ici, à Lausanne, je suis entré à la FNAC entre le théâtre et l’hôtel et, après avoir feuilleté les guides de la Suisse (comme ça a l’air beau ! ce pays encore inconnu), j’ai ouvert le livre de Edouard Louis dont je n’ai pas retenu le titre et, dès la première phrase (quelle est-elle ?), j’ai été saisi, volé, prisonnier, terminé, différent — Je l’ai lu d’abord debout puis sur un fauteuil qui se trouvait là, accueillant comme l’amour, je l’ai lu jusqu’à la page 65 (il en comporte 85, ce livre) qui correspond à l’heure de fermeture du magasin, sept heures du soir, tout à l'heure. J'écris vite, il est huit heures, je vais ressortir dîner avec Patrick. J’ai lu d’une traite, les phrases sublimes, les larmes aux yeux (ce qui ralentit la lecture). Alors je pense maintenant que, quand Edouard Louis parle, il protège son livre, il protège son génie qui est fou, il offre son corps en protégeant sa sensibilité. Il y a la même différence entre son discours et son livre qu’entre le vrai et le faux. Mélenchon, c’est le faux. C’est un petit joueur, Mélenchon. Ce sont des petits joueurs à Podemos : à la première occasion, ils s’achètent des piscines. Imagine-t-on Jésus avec une maison avec piscine ? (pour paraphraser une phrase célèbre). Mais le livre très court, pas comme un poème, pire qu’un poème, de Edouard Louis, on ne peut presque rien en dire, il est intact. Oui, la différence des classes est quelque chose d’insupportable, je pense : à cause des extrêmes. Pas pour moi, moi je m’en fiche qu’il y ait des plus riches et des plus pauvres (que moi). Mais qu’il y ait des très riches et des très pauvres, c’est insupportable, c'est vrai. Pourtant il y a une logique, s’il y a des riches et des pauvres, il y a forcément des extrêmes. Mais c’est insupportable et tellement insupportable que, oui, on peut faire du discours de lutte, le discours de la folie, du mensonge, du faux parce qu’on ne peut pas le supporter, on ne peut pas lutter, c’est à se taper la tête contre les murs, je comprends ça, mais, Edouard Louis, ce livre dont il me reste vingt pages à lire, mais qui, dès la première ligne, m’est rentré dans les yeux, je ne pourrai, non, jamais l’oublier.

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