P our la réintroduction de l’oiseau en Bourgogne
J’étais dans l’un des plus beaux endroits du monde, Pisy, délicieux village situé au bord de la dernière colline du plateau du Tonnerrois, dans une maison avec la plus belle vue du monde, pratiquement pas de lumière nocturne de ville (Avalon est très sur le côté) ; de jour, c’est tout ce qu’on peut rêver de plus beau quand on lève la tête du livre : le paysage, le pays nu, vivant, épanoui, épargné (car l’armée y faisant de temps en temps passer ses mirages à basse altitude empêche l’édification d’éoliennes). Seulement voilà. Il y a un hic. C’est une fausse nature. Aussi belle soit-elle encore, aussi absolue. Il n’y a plus d’oiseaux. Ce n’est pas qu’il y en a peu, c’est qu’il n’y en a plus. La raison : derrière Pisy, cinquante kilomètres de culture intensive et, devant, au Sud, sur la Terre-Plaine où la vue porte si loin, si belle (jusqu’au bleu de mer — ou de ciel — des basses montagnes du Morvan), pareil, l’agriculture du rendement, sans âme, suicidaire, sans amour, sans partage. Le chat de la maison avait fui durant les trois jours de cette fête, selon son habitude, mais l’oiseau a été découvert mort le dernier matin, le dernier oiseau. Il y a quelques années j’ai perdu l’odorat (définitivement, je le crains). L’anosmie. Le silence à l’aube (j’ai dormi à la belle étoile), le silence la dernière soirée calme dans la splendeur où ne restaient que quelques-uns sont comparables à cette perte. Je m’essaye à une pensée plus complexe : je me dis que l’agriculture intensive a peut-être protégé le paysage, empêché le mitage de la campagne par les résidences secondaires, les enseignes publicitaires. Tant que les terres rapportent, on les garde. Un peu comme on dit que les attentats ont protégé l’Île de Beauté de la spéculation immobilière qui l’aurait défigurée
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