M on après-midi en prison
Voilà, j’ai le titre de mon article. Et ça suffit. Il n’y a pas tellement d’autres choses à dire que ce titre, j’ai passé l’après-midi du 30 novembre 2018 dans la prison d’Arles, une prison de haute sécurité, il n’y en a que trois en France, à parler avec des détenus, certains à perpète, de Jean Racine (et de Charles Baudelaire, et de Marcel Proust, et de Marguerite Duras, et d’Arthur Rimbaud, et de Jorge Luis Borges et de Victor Hugo). Les mots sont si faibles — et si forts poétiquement. Ce que je veux ajouter : tout un monde réel.
L’un des détenus, mon préféré, le plus intelligent (et costaud ! Comme il a dit : « Pas que la tête, le corps aussi ! ») m’a donné, avant que je parte, une plaquette de ses poèmes où il y a des phrases comme : « Un fils des murs, enlisé dans la boue du temps » ou : « Ça fait un bout de temps déjà que j’ai froid ». Et il a tenu à me donner aussi un texte méconnu de Victor Hugo (que je ne connaissais pas, en tout cas) : La Fin de Satan qui commence par : « Depuis quatre mille ans il tombait dans l’abîme. » J’ai demandé son nom à Jean-Michel qui les connait bien (à l’origine de l’atelier) car il avait signé sa plaquette photocopiée d’un pseudonyme, Kris Mrasnik (Kris, en effet, pour Christophe). Jean-Michel me l’a donné en me disant : « Ne va pas sur Internet chercher ce qu’il a fait, tu risques de tomber de haut ». Evidemment je suis allé sur Internet et, bien sûr, « tomber » n’est peut-être pas le mot (la chute de Satan) puisque je vois bien ce que ces gens condamnés à perpétuité peuvent avoir fait, mais il y a un mystère, c’est vrai, un mystère comme sacré : que peut-on en dire ? en tout cas, moi, rien. En effet, il reste la poésie qui saisit tous les hommes, « Accepter que tout cela glisse / Forcer cette chienne de destinée à me laisser m’élever d’ici ». Le poème, titré Numéro d'écrou, est le premier de la plaquette : Paroles de l’ombre.
Je copie cet article écoutant Phantom de Polnareff.
Labels: arles
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