Tuesday, April 23, 2019

T out arrive en même temps


Ton texte est très fort — parce qu’il t’exprime bien, d’une manière surprenante et concise et qu’il ne fait que parler de toi sur le mode de la vérité, de ne pas se sortir de la vérité — et effrayant parce que cette vérité que tu oses est celle d’une grande confusion que j’élargis de toi à une jeunesse éternelle, la nouvelle jeunesse fabriquée par les prothèses, déjà maintenant retournée à l’état sauvage, abandonnée non dressée. Tu me fais penser à un personnage, déjà, de Moi, Marthe et les autres, d’Antoine Wauters, qui est censé se passer après le grand effondrement et je vois donc, dans ton texte, d'une justesse jeunesse approfondie, une rectification : le grand effondrement ne va pas avoir lieu pour la bonne raison qu’il est déjà là ! La preuve : le petit gars en est. Evidemment tu donnes la clé toi-même : Frank O’Hara. « The poem is at last between two persons instead of two pages. » Je suis fier de m’être senti cette nuit dernière avant les rêves un peu de cette personne. Je comprends mieux aussi pourquoi tu me tournais autour sans vouloir coucher avec moi — c’est fou comme être vieux c’est imaginer que les jeunes veulent coucher avec soi alors que, non, c’est tout le contraire, ça m’a toujours rendu furieux, l’inadéquation de la vérité — et tu me parles aussi de mon travail sans l’avoir vu : « certes je n’ai personne, mais nous les avons toutes ». Je viens d’ailleurs de lire (à Troulala) que Marguerite Duras pensait le contraire (elle m’aurait traité de pédé, de toute façon) : « On ne peux pas éviter l’unicité, la fidélité, comme si on était à soi seul son propre cosmos. Aimer tout le monde comme le proclame certains et les chrétiens, quelle blague. Ces choses-là, c’est mensonge. On n’aime jamais qu’une personne à la fois. Jamais deux à la fois. » J’ai pensé aussi que « L’amour, c’est l’espace et le temps rendus sensibles au cœur » était une phrase qui n’était pas que positive (comme je croyais jusque là, une phrase ennuyeuse), mais plutôt négative, comme pour lui, l’amour, il le réduisait à la jalousie, c’était certainement insupportable que l’espace et le temps soit rendus sensibles au cœur ! J’aime beaucoup le « Merci » de ta fin de conférence... Merci aussi pour le poème sublime de Paul Eluard.




Exemple : 
« Mais cette veste que j’avais prise, c’était une veste qui marchait un petit peu comme le Cantique des cantiques marche, c’est-à-dire à proximité, respiration de ce qu’il y a autour. »  

« Le fait est que c’est allé de pire en pire et, au moment le plus je ne peux pas et je ne veux pas, c’était à peu près, encore, l’été, un peu moins infernal, à peu près reposant, toujours aussi inquiétant. »

« J’avais beau lire tout ce que je pouvais rajouter à cette espèce de mémoire de toutes ces performances, pas grand chose, je veux dire : je ne pouvais pas venir combattre qu’une relation se termine, et se termine mal. Ni le fait qu’on ne sait vraiment plus comment penser plus comment faire. Pourtant les fleurs pourtant les vêtements, je croyais bien avoir raison. Alors pour le coup, on va butiner ailleurs. On fait des grandes marches dans Paris, on fait des nord-sud, on propose de partir d’Abbesses pour aller jusqu’à Montparnasse, une fois à Montparnasse avec une mauvaise crêpe, monter tout en haut de la tour. C’est probablement l’un des pires endroits dans Paris — on n’y voit rien sauf des trompe-l’œil, mais dans ces moments de pire, celui-ci, banalité et presque rien était ce dont j’avais besoin. »

« Alors malheureusement il y en a qui manquent aujourd’hui, l’un des pires enjeux de la poésie amoureuse est de parler des absents. » 



Matthieu Brion, l'a la le, Théâtre Typographique, 11

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