V ous croyez au hasard ?
Yves-Noël,
Enfin un peu de temps. Bon, je me replonge dans le carnet que j'ai tenu tout le long des représentations ; j'y relis ressentis, impressions et révélations. Et vraiment, je suis toute chamboulée encore du travail que l'on a fait ensemble avec toi. Déjà, car c'est inédit et, ensuite, comme tout ce qui est inédit, parce que la suite ne sera plus jamais pareille. Je pense pouvoir l'écrire avec confiance : je suis heureuse de ce travail, de le traverser chaque soir (même si, chaque soir, c'est la même chose et que cela me semble impossible d'y retourner), et heureuse de me sentir si perdue. Je suis la première étonnée. Heureuse que cela soit si difficile, sur un fil et flou. J'ai compris beaucoup, et grâce à toi. Alors merci. C'est peut-être petit comme mot-merci par rapport à ceux de Tchekhov qui sont tellement plus forts mais il me semble que tu peux comprendre.
Le reste ne se dit pas, ne s'écrit pas non plus, mais se vivra sur ce plateau qui est si vaste maintenant pour moi depuis qu'il s'ouvre de tout coté.
A bientôt, on espère tous, hein !!!
Salomé
Oui, pour moi aussi, ce spectacle est important. Vous l’emmenez dans un endroit que je n’ai jamais osé finalement (j’ai osé des textes en faisant travailler des gens en solo, toute une pièce ou un livre ou un film — mais c’est la première fois que je vois cet effet « distribué » — et, bien sûr, tout le truc est que la distribution semble flottante — en même temps réglée comme papier à musique — mais flottante sur quelque chose qu’on a nommé, nous, le « vivant ». Je lis le petit livre d’entretien de Duras avec la journaliste italienne (La Passion suspendue) et je m’aperçois — ça ne m’étonne pas : je vérifie — que ce que nous faisons est très durassien. Je recopie beaucoup de phrases (que je vous enverrai), comme celle-ci : « Vous croyez au hasard ? — J’aime ça de me sentir une partie du grand jeu : incapable de contrôler ou de prévoir le cours des choses. » Tchekhov indique que ce grand jeu existe, rien de fixe, tout est précisément mouvant et très mystérieux, très précisément mystérieux aussi. Merci de tes mots, très chère Salomé,
Yves-No
Labels: rennes correspondance
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