L a Militante
Toute la journée, je m’étais dit que j’aimerais bien quand même parler avec Adèle Haenel pour y comprendre qqch. Ce n’était pas impossible, nous fréquentions la même école (le TNB, à Rennes), avec les mêmes élèves. Ce que je ne comprenais pas, c’est pourquoi il fallait empêcher Polanski de faire des films, fut-il le plus épouvantable des criminels. Dans les prisons, on encourage les prisonniers et les prisonnières à l’art, on va en faire avec eux. Moi-même, je suis allé l’an passé travailler sur Racine à la centrale de haute sécurité d’Arles et je peux vous dire que pour accéder à cette prison (il y en a quatre du même type en France), il faut vraiment avoir fait des choses vraiment vraiment moches. Les gens qui sont là, ils ont leur nom sur Internet. Je ne vais pas donner d’exemples, vous ne le supporteriez pas (croyez-moi sur parole). Pourtant, dans une grande douceur, avec ces personnes incroyablement disponibles (oui, ce sont les mêmes que les criminels dont la photo est partout), parfois très intelligentes, toutes très sensibles et très « réelles », on fait de l’art, on touche, on se met à niveau de Racine, on approche. L’art fait du bien pas seulement à celui qui le reçoit, mais aussi à celui qui l'impulse, c’est connu — non ? —, la vertu thérapeutique du théâtre, du cinéma, de la peinture, de quoi que ce soit, écriture, musique, cirque, danse. Après tout, on pourrait imaginer que si Hitler avait continué dans la peinture, on serait peut-être passé à côté du pire. Bon, donc c’est ça que je ne comprenais pas et je me disais que j’aimerais bien en parler avec Adèle Haenel — et v'là-t’y pas que je tombe sur elle dans une très belle soirée à la Station (nord de Paris) et la seule chose que je trouve à lui dire c’est : « C’est drôle de te voir ce soir ici après t’avoir vue à la télé hier ! » Lamentable, non ? Hadrien (mon mec avec un big H) (on était allé juste avant chez Jésus Paradis à l’anniversaire d’Adrien, mon ex sans le big H) me confirma : « Eh, oui, il y a une vie derrière l’écran ! » Moi, quand même, comme j’ai été content de la voir, Adèle Haenel, vivante soudain, danser comme ça des heures, libre (non militante), heureuse dans l’amitié, gamine ! Oui, je pense que cette Société du Spectacle est bien affreuse, mais qu’il y a une vie derrière l’écran… « notre poésie est comme une gomme qui coule de l’arbre qui la nourrit. Le feu caché dans le caillou ne se montre que lorsqu’il est frappé ; mais notre noble flamme s’allume elle-même, et, comme le torrent, franchit chaque digue dont la résistance l’irrite. » (Timon d’Athènes, I, 1)
Labels: paris
0 Comments:
Post a Comment
<< Home