Sunday, April 19, 2020


Merci ! c’est très bien ! mais je me suis étonné que ce soit si littéraire. J’espère toujours des choses qui restent en-dessous de la froide ligne de publication. J’aime bien les trois histoires les plus simples, les plus vécues (car je t’imagine), petits récits de la campagne. « Le froid véritable » m’a rappelé Si c’est un homme parce que c’est dans ce livre que j’ai appris (et retenu) qu’on pouvait réchauffer ses doigts en les mettant sous les aisselles. Mais tu as de l’ambition ! Moi, je crois que la vraie ambition est celle d'écrire pour ses amis (imaginaires). Le risque, sinon, est bien exprimé par Philippe Lançon dans « Charlie Hebdo » de cette semaine : 
« Le journal d’un enfant serait pourtant plus intéressant que celui d’un écrivain. L’enfant aime le secret. N'imaginant pas qu’il puisse être lu par quiconque, il ne ferait sans doute pas le numéro de cirque intime auquel les mains à plume, quel que soit leur talent, sont condamnées, dès lors qu’elles le publient. Le confinement renvoie à un monde de détails, de difficultés, de médiocrités aussi, qu'un souci de vérité incite à consigner, mais que la belle image et la pudeur empêchent de publier. »
« Ivre de nature », j’ai pas pu l’ouvrir. Est-ce le texte porno que tu me promettais ? Merde ! 
J’aime beaucoup le recensement des « choses de minuit ». 
J’adore évidemment me ressouvenir du carnaval...
Tes textes, je les lis comme des conversations (c’est comme cela que je te les demandais), mais voici ce que dit Stéphane Bouquet de l’art de la conversion (à propos de son livre La Cité de parole) (sur Diacritik) : 
«  Diriez-vous ainsi que la conversation, presque à bâtons rompus, inspire l’organisation du livre, telle que la quatrième de couverture en fait encore état, évoquant comme « un livre en compagnie », à la manière d’un dîner entre convives où la parole « vagabonde d’un sujet à l’autre » précisez-vous encore ? S’agissait-il ainsi pour vous de faire dialoguer les textes sur le modèle d’une vaste conversation ?
Oui totalement. La conversation est le modèle formel du livre. Quelque chose qui serait à la fois très sérieux et pas grave du tout, sans importance, presque en passant. Quelque chose qui ne cesse de changer de sujet, qui ne s’appesantit pas, qui est à la fois trivial et essentiel. « Rien qui pèse ni qui pose » comme dit Verlaine. Ce que j’aime dans les conversations c’est qu’on ne tient pas totalement, voire pas du tout, à ce qu’on dit, qu’on parle pour parler autant que pour dire et que le langage devient alors un acte (parler) autant, sinon plus, qu’un sens (dire). La conversation permet simplement d’activer le nous, ce pronom qu’il est si difficile finalement d’habiter et de mettre en mouvement. A un autre niveau, la conversation est aussi le modèle rythmique, syntaxique, au sein des textes. Il fallait que les phrases aient ce léger déhanché qui les fasse échapper à la réflexion trop assise, trop profonde, trop dense qui menace toujours l’écriture. Il fallait qu’elles aient la vitesse, le débraillé, l’effiloché d’un apéro, un soir, au bord de la mer, dans une maison derrière les dunes. »
Il me semble que c’est toute l’ambition de la littérature, finalement. « L’écriture courante », disait Duras, la langue parlée. Je n’ai compris la possibilité de Proust au théâtre qu’en apprenant que sa phrase parlée était proche de sa phrase écrite. Voici mon conseil (d’un vieux sage à un jeune fougueux) : lâche-toi la bride ! Ou alors écris plus. Beaucoup plus encore. Dans les deux cas, ça se rejoint : l’art brut ou l’art extrême. Je préfèrerais, dans ton cas, l’art brut, que tu ne te crèves pas à ça ! Et réarrange-moi le porno de manière à ce que je puisse l’ouvrir, s'il te plaît : il m’en faut ! du porno, pour satisfaire la coiffeuse qui selon son dire est « tombée dans une marmite d’excitation quand [elle] étai[t] petite ».
Love, 
Yvno

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