C et enregistrement
Bon, oui, bien sûr, on peut le donner à la radio, cet enregistrement, et ils peuvent le diffuser en totalité ou en extraits, comme ils veulent. Le faire commencer peut-être à 5mn27... — mais c’est brut de chez brut, ce qui est normal, il faut faire plusieurs répétitions et avant-premières pour arriver à un résultat à peu près satisfaisant. Mais c’est normal, Phèdre (évidemment plus difficile) et Proust (idem), à la création, j’ai vécu en enfer, pourtant entouré du talent inouï de Philippe Gladieux et de Benoît Pelé et des très bonnes conditions de travail, pour le Proust, aux Bouffes du Nord avec l’équipe des Bouffes du Nord et, pour le Phèdre, dans la grande salle de l’Arsenic avec l’équipe de l'Arsenic. Là, l’enfer est venu certes de plusieurs endroits, d’une insatisfaction personnelle et du manque de répétitions, mais surtout de ces machines du bar que le patron (du bar) n’a pas voulu éteindre. C’est un bar pourtant associé à un théâtre : c’est-à-dire, n’est-ce pas ? que c’est d’abord un théâtre avant d’être un bar. Et c’est ce théâtre blessé, meurtri, presque mourant qui ouvrait après plusieurs mois d’interruption, avec encore l’impossibilité d’utiliser ses salles, mais c’est ce théâtre qui rouvrait et qui a attiré du monde, ce monde qui est venu soutenir ce théâtre — ce n’est absolument pas que le public (de ce théâtre) venait pour une soirée de soutien au bar, n’est-ce pas ? Mais le patron de ce bar-restaurant avec qui je m’entends parfaitement bien d’ailleurs, quelqu’un de très agréable, d’une complicité très joviale, avait ce jour-là quelque chose de dégueulasse au fond de lui dont il n’a même pas eu conscience (c’est pour ça que je ne lui en veux même pas) qui est : mon bar, mes frigos pour le vin, les glaçons, ma machine à café pour le café, mes machines à bières pour les bières, tout ça ne doit pas s’arrêter quarante minutes, même pas une seconde, les affaires sont les affaires, pour ne pas risquer de perdre le client qui, dès après la performance, commanderait un café, un verre de vin et une bière avec des glaçons — mais ses affaires, le nigaud, c’est nous qui les lui faisions, ce soir-là ! c’est nous qui lui avons amené jusqu’à ses machines sa clientèle inespérée et très consommante pendant toute cette longue soirée, il aurait dû avoir (d'instinct) le respect au moins de celui qui le nourrit (ne dit-on pas : Ne mords pas la main qui te nourrit). Bref, c’était cela le principal de ma mortification. (Mais il en faut toujours une.) L’enregistrement certes imparfait gomme une partie de ma détresse… et rend compte d’un réel…
Je ne sais pas pourquoi j’ai voulu dire le poème en anglais, c’est vraiment trop mauvais… Mais, à par ça, parfois, certains passages, c’est vrai, sont au bord d’être bien. Si seulement je ne soufflais pas comme un bœuf ! J’avais tellement honte, j’ai failli le dire, que ce n’était pas possible de se présenter au public dans cet état, dans cette immense faiblesse d’énergie — qui, bien sûr, au final, gagne : en tout cas, pour parler de la misère humaine, il vaut mieux être faible et démuni et mourant pour en parler… Mais c’est idiot, totalement idiot… Il faut s’amuser ! mais ça ne vient qu’au bout d’un moment, l’amusement, le plaisir (et pas la jouissance), avec le succès…
Je t’embrasse, merci de ton soutien pur et de cette lettre venue de Russie profonde et en surface,
Yves-Noël
Peut-être, si tu sais le faire, mets aussi en ligne cet enregistrement...
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