Wednesday, March 24, 2021

L apsus (et en pensant à Pierre)


Lucas, qu’est-ce qu’il raconte ? Il écrit et il raconte. J’ai un carnet avec moi, je n’écris pas tout, parfois je me laisse couler au désir de sa parole en oubliant instantanément le délice qui m’habite (c’est-à-dire restant dans la vie et non pas dans son récit éventuel). C’est donc très peu. On parle d’abord d’Hervé Guibert et d’Arthur Dreyfus. Il est effrayé. « Moi, si j’écris un mot sur ma famille, il me semble que ma page va s’enflammer. » Puis on quitte le Parc Floral parce que je suis déçu : pas assez de fleurs et trop de gens. Il dit : « Dans la vie aussi, on espère qu’il y ait plus de fleurs et moins de gens ». Puis on s’approche du Bois, en particulier d’une zone indiquée « Réserve ornithologique », pleine de drôles d’oiseaux, en effet… « J’ai l’impression de retourner à une période plus clémentine… » (comme je m’extasie du mot, il m’explique faire référence au livre de Clément Marot L’Adolescence clémentine). Il essaye de m’expliquer les deux désirs selon Pascal, mais s’embrouille (il y en a trois, en fait, trois concupiscences). Puis, comme au Parc Floral on avait croisé la route d’un paon magnifique à qui je l’avais comparé (bien qu’il ne se déployât pas) : « C’est toi ! — Ah bon ? » (mais il en avait convenu) et que nous nous étions alors tous deux étonnés que ce paon traînât sa traîne — comme une queue encombrante — toute sa vie alors qu’elle ne sert pourtant que from time to time, now and then à séduire une femelle quand il le faut... devant un homme habillé de rouge vif, cagoulé de rouge vif et masqué, ne laissant voir que la violence de ses yeux (L'Inconnu du lac) qui soudain pisse et agite son sexe à quelque distance en le fixant : « Tu vois, c’est très animal, c’est comme le paon, il exhibe sa queue ». Puis comme il est soudain transpercé de désir, il lâche : « J’ai peur de faire ça et de plus jamais revenir — oh ! putain... c’est une phrase de Lagarce ! » Il me tient au courant de son émotivité : « Je tremble et c’est de la peur et du désir ». Il dira encore : « La sensation d’être une proie m’excite, y a quand même un problème… » Quand il faut rentrer, il me répète un lapsus de sa prof de théâtre : « ce couvre-queue »…

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1 Comments:

Anonymous Teagan said...

I enjoyed this post, thanks for sharing.

7:10 PM  

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