Oh, il est très beau, ton texte ! Je pense à toi souvent, pour plein de raisons, et pas seulement quand je me retrouve sur un chantier théâtral (récemment avec quelqu'un que tu as connu chez François Tanguy : Jean-Louis Coulloc'h, qui m'a raconté une belle anecdote sur votre séjour en Norvège...). Rester dans la vie et non pas dans son récit éventuel : parfait (une éthique). Du coup je suis allé sur ton blog. L'échange sur « ton livre », « ton livre immense », c'est avec Arthur Dreyfus?
T'ai-je dit que j'habite dans la ville natale de Clément Marot et que mon lycée porte son nom ? Dans la rue Clément Marot de Cahors, il y a la maison natale d'un autre poète de la Renaissance, Olivier de Magny. De bons auspices pour moi.
Je t'envoie en écho un texte qui bouillonnait sur les « assignations » identitaires.
J'y parle un peu des queues. J'ai entendu un jour que la queue du paon est une espèce de délire de la sélection naturelle qui a fini par handicaper la bête parce qu'elle n'est vraiment pas pratique au quotidien.
Bises dominicales, accompagnées de deux quatrains de Marot :
Plus ne suis ce que j’ai été,
Et plus ne saurais jamais l’être :
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître,
Je t’ai servi sur tous les Dieux :
Ah ! si je pouvais deux fois naître,
Comme je te servirais mieux !
Pierre
Oh, Pierre ! je ne sais pas comment tu fais, l’amour est intact entre nous (et le restera sans doute jusqu’à notre mort) — dès que tu parles, la conversation reprend, excitante, comme si nous étions ensemble comme aux premiers jours…
Oui, c’est Dreyfus, bien sûr… C’est très bien, je trouve, très différent de toi, mais c’est magnifique (« époustouflant », dit Laurent Goumarre, il a raison). Lui aussi arrive à être présent dans son texte — de 2300 pages écrites certes sur plusieurs années, mais infiniment lisibles (il est très rapide).
Oui, je sais que tu es à Cahors. Cahors, pour moi — pendant si longtemps —, a été la ville ou « l’amante anglaise » voulait retourner (un amour de jeunesse) : « — Qu’auriez-vous fait à Cahors ? — Je serais allé à l’hôtel Crystal… » Mais, maintenant, c’est aussi la ville proche (avec, de l’autre côté, Figeac) de la maison du fils de « la coiffeuse », mon amie, maison dans laquelle nous avons séjourné seuls l’hiver dernier et en famille l’été dernier. Ce garçon est un casse-cou, adolescent attardé (bientôt trente ans) qui se précipite sur tous les sports à haut risque. Une grande proportion de ses plus proches amis sont déjà morts. Il saute des ponts, des tours, des cathédrales, des éoliennes, ça a un nom : le base-jump. Comme il a commencé à se dégarnir (de ses cheveux d’ado), il a dit : « Si je perds mes cheveux, je me suicide ». Sa mère qui l’adore a donc promis de lui payer les implants. (Voilà pour l’identité.) Bon, il est aussi très sympa et m’a forcé au parachute. J’ai eu peur avant (j’ai même pissé au lit, figure-toi) ; je suis monté dans sa voiture à lui et je n’ai plus eu peur, j’ai pensé que j’allais de toute façon mourir (en parachute), alors pourquoi pas en voiture avant (il conduit comme un malade sur les petites routes en virages). Au final, ça a été une expérience extraordinaire, l’air devient solide, je crois que ce n’est pas très dangereux, le parachute. Temps sublime, un bleu immense avec les moutons du ciel. Je ne sais plus à combien de milliers de mètres on monte, on voyait si bien Cahors, sa forme de serpent, tous les détails, j’aurais pu te voir, certainement, si tu t’étais penché à la fenêtre (à vrai dire, j’avais quand même autre chose à penser — égoïsme quand tu nous tiens : survivre).
Dans ton texte sur l’identité, c’est drôle, j’ai publié il y a quelques temps une phrase sur Insta qui disait « Quelle joie d’être français ». Je ne parlais pas de « fierté », donc, mais ça a quand même provoqué une petite réaction. Pourtant, je ne disais pas d’être un Français, mais d’être français, seulement l’adjectif. J’avais pensé comme ça parce que, la veille au soir, j’avais vu un film danois tellement fort, beau, où tout était véritablement danois, tellement, on pouvait ressentir que ces gens étaient, oui, comme joyeux de cette beauté danoise (le film s’appelle Druk). Alors j’ai pensé ça, que, moi, je n’étais pas danois (mais pas du tout), mais que j’étais sans doute something, par hasard, certes, mais une couleur à laquelle je ne pensais pas souvent, quelque chose que je pouvais peut-être aimer plus, que j'étais définissable. Je n’y avais pas trop pensé jusque là (contrairement à toi, sans doute, ton rapport à la langue). Il y a aussi que je marchais sur une plage de l’Atlantique (Morbihan) avec ces blockhaus comme des formes lentement mouvantes qui repartent à la mer, mais ne s’effacent toujours pas ; la guerre toujours dans le soleil, le vent, l'embrun…
A propos de la question du genre, j’ai mon meilleur ami — appelons-le Bobo — que j’aime parce que je l’imagine bien sûr macho, prédateur (tu es le seul garçon délicat que j’ai jamais approuvé, je crois) qui vient de me révéler — après tant d’années ! — une chose qui m’a surpris. Il a dit qu’il se sentait lesbienne ! — dans son for intérieur, comme dit Nathalie Sarraute —, que, quand il matait du porno, il ne supportait que les filles, que dès qu’il voyait une queue, il arrêtait… A vrai dire, j’ai été tellement surpris que je me suis demandé s’il n’avait pas inventé cette histoire parce que c’est à la mode (en un mouvement bien compréhensible de survie) ou s’il était sincère. Probablement les deux — n'est-ce pas ? — un comédien.
J’aime beaucoup Paul B. Preciado. J’ai même réussi à mettre un bout d'un de ses textes dans le spectacle sur Baudelaire, ce dont je suis assez fier ! (ça paraissait pas gagné). Je ne supporte pas — plus — Virginie Despentes. Je la trouve fausse, absente de ses textes (mais, Preciado, je le trouve vrai).
Comme c’est beau, ces deux quatrains de ton Marot !
Yvno
Labels: correspondance pierre
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