Friday, April 09, 2021

A propos de quelques lectures


Stéphane Bouquet, Le fait de vivre

Avalé. C'est son nouveau livre. Plein de sperme comme toujours. Un peu moins, peut-être. S'universalise. Des femmes modernes passent comme au cinéma. Des animaux modernes passent comme au cinéma. Mais l'archaïsme du désir brutal et élégiaque est toujours là et c'est pour ça. J'ai tellement répété comme une midinette pendant des années que S.B. était mon poète préféré. J'avais même tiré un très beau spectacle d'un de ses vers : — je peux / — oui (avec Nicolas Maury, je me souviens). Ici, il y a plein d'autres titres. Par exemple, j'aimerais faire un spectacle qui s'appellerait : Stp, stp, tellement... Leopardi a dit que tout avait progressé depuis Homère sauf la poésie — la poésie ne progresse pas d'un poil. Quelle est notre époque ? la grande, grande vitesse de la disparition du monde : de quoi se plaindre. « Il ne suffit pas de dire : il faut (il faudrait) que le monde soit comme ceci ou comme cela pour qu'ici se produise. Il n'y a pas de conditions nécessaires ni même suffisantes. Ici est par hasard. » N'est-ce pas ce que nous avons essayé cet hiver au Carreau ?


Oh, mais merci à toi de ta juste douce intime lecture


Oh, de rien. Ton livre va m'accompagner longtemps, toujours (comme les autres)


Dennis Cooper, Le fol marbre

Ça, c'est magnifique, un livre surnaturel, très étonnant. Comment se fait-il que je le lise (si bien) ? Il est écrit dans un verbiage inqualifiable et ça se tient, incroyablement. Ce verbiage est une création littéraire, c'est ce qu'on lit, une espèce d'invention mallarméenne, très poétique, très rêvée et bien sûr ayant toutes les manières de l'esbroufe, pleine de sophismes, de secret. À ne pas mettre entre toutes les mains, par exemple pas entre celles de ceux qui pensent que la pédophilie et le cannibalisme, c'est mal (oui, c'est mal), mais, par exemple, entre les mains de Lucas dont j'aimerais qu'il n'en pense que du bien


Klaus Mann, Méphisto

Un livre extraordinaire. Pas le meilleur de Klaus Mann, Le Tournant que Cyril vient de m'offrir est supérieur — et surtout Le Volcan, me dit Gilles —, mais c'est la création sidérante d'un personnage, d'un idéal, le type même du comédien qui s'adapte à toutes les causes, l'ambition, la séduction, la détresse méphistophéliques, en effet. C'est écrit après l'arrivée au pouvoir des nazis et publié en exil en 1936, interdit en Allemagne jusqu'en 1981. C'est un livre dégueulasse, si on le lit vraiment, épouvantable. Il rassemble des énigmes et, ce qui est épouvantable, c'est que ces énigmes ont existé, existent, bien sûr, intactes et — qu'est-ce qu'on en fait ? Vivre avec ça, jouer la comédie, la survie, le mal...


Marguerite Duras, Madame Dodin

Ça, c'est un petit chef-d'œuvre. Je l'ai racheté (et je l'ai relu) parce que j'ai une amie qui me fait penser à Madame Dodin (elle est coiffeuse et elle est concierge mais, enfin, ça pipelette). Duras habitait au 5, rue Saint-Benoît, ici transformé en 5, rue Sainte-Eulalie. Et puis c'est un poème aussi. Ils le font à 2 €. Vous sautez « Libé » un jour (c'est pas toujours bien) et vous achetez ça. Avec les 50 centimes qu'il vous reste, vous pourriez même vous acheter une babiole... Un bout de pain... « Ce qui me passionne, c'est ce que les gens pourraient dire s'ils avaient les moyens de le dire et non pas ce qu'ils disent quand ils en ont les moyens », disait Marguerite Duras


Ernest Hemingway, En avoir ou pas

Encore un génie. Qu'est-ce qu'il y en a dans la littérature ! (Y en a-t-il ailleurs ?) Tout a l'air comme un film, sauf que ce n'est pas un film, c'est vrai. J'ai découvert ce livre dans la sensualité de l'appartement de la Maison Radieuse chez Tanguy Malik Bordage à qui il appartenait. Dans ce si court séjour je n'avais eu le temps de ne lire que le premier chapitre qui depuis me hantait. C'est très près des expériences du réel qu'on a pu faire, être en bateau, au soleil, le jour, la nuit, la bagarre, la culpabilité, l'ennui, l'innocence (qu'est-ce qu'on fiche là ?) (même si c'est agréable)... L'un des auteurs préférés de Margotte. Elle était trop contente de gagner le prix Hemingway pour 'L'Amant', plus heureuse que pour le Goncourt : « J'ai toujours eu une passion secrète pour Hemingway, une très grande passion, enfin, comme une sorte… une sorte d'AMOUR pour tout ce qu'il a fait. »

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