Chères amies,
je suis embêté, le titre n’est pas trouvé. Il vaudrait mieux sans doute ne pas mettre de titre — juste mon nom — en attendant que j’avance dans le travail et que je le trouve. Bien sûr je sais à peu près ce dont je parlerai : je ne fais que rabâcher la même histoire ad libitum, mais, justement, il faut quand même trouver un angle qui la remette, cette même histoire ad libitum, en phase avec l’époque, la réajuste, la recommence. Tout est affaire de recommencement, disait Barbara — et comme l’explique encore Peter Brook au micro de Laure Adler ce matin à Marseille, le spectacle pourrait d’ailleurs s’appeler :
A Young Man In A Hurry
C’est le titre du premier article paru sur Peter Brook lors de sa premier mise en scène, il avait dix-sept ans (comme Rimbaud). Ça aurait l’avantage de me placer en jeune homme, ce qui n’est pas négligeable, et aussi, comme j’ai l’intention de parler à la jeunesse et de la jeunesse (à l’une des périodes les plus désolées du malheur capitaliste) de me placer aussi comme dans les Lettres à un jeune poète (de Rilke ou d’un autre). Ça me rappelle aussi le Portrait de l’artiste en jeune homme de Joyce (que j’aime beaucoup). Et, bien sûr, ce titre relève le thème du temps, de ce Garden Of Time. L’Annuaire, mon ami Stéphane Wargnier (président de mon association et accessoirement directeur de la com’ chez Hermès pendant, je ne sais plus, quinze ans au moins, c’est vous dire que je l’écoute) le trouve raide. Je pense aussi qu’on peut trouver mieux. Je vous demande votre aide. Evidemment il y aurait la version plus rigolote suggérée par Dominique Issermann : Yves-Noël Genod est dans L’Annuaire… (système déjà bien utilisé dans ma carrière).
Et pour défendre L’Annuaire, j’ai écrit encore ce texte :
Je choisis ce titre parce que je ne connais pas encore le contenu du spectacle que je vous propose. Un annuaire, ce n’est ni un essai ni un roman : tant qu'il n'est pas paru, on ne saurait dire — à part le calendrier — ce qu'il y a dedans. Quels en sont les thèmes. L'annuaire sera bien sûr le spectacle qui se joue. Un an est passé depuis la première programmation déprogrammée. Que s'est-il passé en une année ? De quoi parlerons-nous ? Attachement, curiosité, intérêt pour les « choses de la vie ». La Terre comme souci, sujet et expérience. La vie ensemble. Marguerite Duras, à propos de la célèbre phrase de la Genèse : « Il y eut un soir, il y eut un matin * », m’avait dit : « Qu'est-ce qu'on peut écrire de mieux ? ». Et, en effet, confinés nous le sommes sur Terre depuis un temps immémorial, avec tous les soirs et tous les matins du monde, la lumière des deux crépuscules. Notre éloignement, notre lointain-près, l'hybridation de notre présent au lointain, l’agriculture et la dépossession de cet art, nourritures terrestres et célestes, disparitions et voyage… The day is a perpetual morning. L’émotion de vivre. Comment adoucir en les cultivant les fruits sauvages. Avec moi, longe le bord du premier rivage du monde !
YNG
* Au début de la Bible, au moment où Dieu sépare la lumière des ténèbres.
Bon, ce texte n’a que peu d’intérêt. Tu en écriras un, Myriam, et me le montrera. Ce n’est que pour indiquer que je travaille, mais que je ne suis qu’au début du travail. (A vrai dire, tout veut rentrer dans ce travail, tout se précipite.)
Autres titres envisagés :
Je n’ai pas d’idée à moi
Les Entreprises tremblées
(titre déjà utilisé, mais si beau qu’on pourrait le reprendre, ça ne me dérange pas, je le fais de temps en temps, reprendre des titres interchangeables)
Deux titres ampoulés donc à rejeter :
Les Territoires ordinaires
La Banalité du Bien
Et aussi :
Comment donner son avis quand on ne le vous demande pas ?
Je voudrais que tous mes spectacles soient des leçons de modestie. Mais la rigolade, ça, c’était (et c’est encore) la vraie modestie !
Voici cet extrait de cette conversation de Peter Brook avec Laure Adler qui m’a inspiré ce matin :
« Je sentais que le temps était quelque chose qui n’est pas du tout inerte mais, avec le présent, il y a cette possibilité d’aller plus loin. Pour moi, la vie, c’est très proche. Parce que j’ai fait beaucoup de voyages d’exploration, j’étais dans l’Himalaya et, là, j’ai vu cette chose extraordinaire — ici, au Pays de Galles aussi — avec les montagnes. On fait une longue, longue marche seul ou avec des camarades pour aller au sommet d’une petite colline en pensant : « Si j’arrive là, ouh ! ça suffit… » Mais, dès qu’on arrive, qu’est-ce qu’on voit ? un chemin et une autre colline cachée par la première colline qui se dresse. Et, comme ça, j’ai vécu ça toute ma vie. On arrive, on grimpe, on est des chercheurs. Quelque part, il y a cette promesse d’un pays extraordinaire. Et qu’est-ce qu’on peut faire ? Donc, ça, c’est une leçon de simplicité, de modestie. On ne peut pas dire : « Ah, quelle merveille, je suis presque arrivé… » ; ça, c’est une phrase presque criminelle. On est peut-être à peine au début et tout ce qui se développe en nous n’est pas d’aller en avant, mais de se retirer de plus en plus vers la libération et la merveille, enfin, presque au point de départ.
— Ça veut dire que toute notre vie dans le présent nous sommes un point de départ.
— C’est ça. »
Amitiés,
Yves-Noël
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