L e seul vin qui vaille, c'est l'amour
Rien ne me manque, moi, dans la vie. Quand les théâtres étaient fermés, ça m'allait très bien (il y a les livres), mais c'est vrai que ROUVERTURE me va très bien aussi, je dois dire. Je veux dire : rien ne me manque : c'est le secret du bonheur : désirer ce que l'on a. Tout le contraire de ce que montre le terrible et sublime Viol de Lucrèce mis en musique par Benjamin Britten qui est l'illustration parfaite de la théorie du « désir mimétique » de René Girard : on ne désire jamais que ce qu'un autre désire. À la fin d'une guerre, encore dans le camp, près de Rome, des soldats évoquent leurs épouses qui les attendent — ou qui ne les attendent pas. L’un parle de sa femme extraordinaire, de son amour extraordinaire, de son bonheur. Alors, dans la nuit, l'autre, le malchanceux (en amour), prend son cheval et, en secret, va violer l'épouse de son ami (Lucrèce) désirée sur le seul témoignage de celui qui l'aime. La mise en scène (de Jeanne Candel) est fluide, limpide, la musique est absolument sublime, le livret très beau. Profonde émotion. Bien sûr, la seule chose qui devrait vous faire hésiter à y aller, c’est que, comme pour tous les opéras quand ils sont réussis, c’est très violent. Ames sensibles, s’abstenir (j’étais limite). J’ai pensé à la phrase de Rainer Maria Rilke que Lucas m'avait lue dans l’après-midi : « le beau n’est que ce degré du terrible qu'encore nous supportons... ». Dans l’opéra, ce qui nous arrache l’émotion, c’est affreux mais c’est comme ça : ce sont toujours des sacrifices de femmes (un mec mourrait, ça ne nous ferait rien). Je me souviens, dans ce même théâtre, le plus beau du monde (et qui se trouve en bas de chez moi), je ne pouvais pas m’empêcher d’aller voir et revoir Judith Chemla dans La Traviata, mais, en sortant, j’avais d’abord envie de me jeter sous un camion et à chaque fois je n’en dormais pas de la nuit. Comment supporter ça ? Ici, c’est tout aussi insupportable : un viol se prépare, un viol s’accomplit (puis le suicide). Heureusement, à la toute fin, « Ce vieux monde va-t-il vieillir dans le péché ? », l’appel désespéré à Dieu, le Dieu des chrétiens, à la rédemption du Christ, a authentifié mes larmes, mon tremblement — à la consolation.
«S'aimer comme nous nous aimions, c'était vivre au bord de la tragédie »
« Est-ce là la beauté ? une jeune pouliche qui, dans un bond, rattrape le soleil ? »
« Les lumières de Rome font signe dans la nuit »
Labels: paris bouffes
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