Sunday, October 17, 2021

À toutes ces questions très épineuses, il n’y a pas de réponses simples


« Notre art consiste à nous dénuder. De nombreux penseurs l’ont théorisé, Artaud par exemple : au théâtre et au cinéma, on révèle son « intérieur » : ses humeurs – au sens physique et médiéval comme au sens psychologique du terme. La représentation, grâce au jeu d’acteurs et d’actrices, doit pouvoir laisser déferler la sexualité, le désir, l’obscénité. Car si l’on n’est plus dans un contexte où nous pouvons faire apparaître Priape, les Érinyes ou Dionysos et une certaine ivresse, alors on n’est plus dans la fonction anthropologique qui est la nôtre : montrer l’humanité dans ses débordements. Telle est l’énorme difficulté : il faut protéger les femmes sans pour autant transformer l’art de la représentation en bréviaire, ou en simple exécution d’un cahier des charges réglementé. Ne l’oublions-pas non plus, le théâtre exprime tous les sentiments et parle d’amour. Lui aussi est ambivalent : idéal, salvateur, consolateur, comme dévorateur, castrateur et destructeur. Alors comment travailler dans et avec l’excès ? À toutes ces questions très épineuses, il n’y a pas de réponses simples. »


« À chaque seconde. Sur un plateau de théâtre comme sur un plateau de cinéma. La culture patriarcale a proposé aux hommes un modèle de prédation en leur mettant dans la tête que c’était séduisant d’être l’homme qui prend les femmes. Il faut travailler là-dessus, même si ça va être difficile de se débarrasser du marquis de Sade. Et de toute une culture érotique. Car on ne peut pas vivre dans une société du XXIe siècle qui à la fois désenclave la pornographie et l’intègre à tous les arts picturaux, et en même temps l’interdit aux arts du spectacle. Cela signifierait que le théâtre et le cinéma seraient les seuls arts à ne pas utiliser des formes qui ont été travaillées pendant des siècles. Il faut que ce soit possible de me demander à moi, la comédienne, de jouer en scène avec un stéréotype fétichiste. De quelle nature sera ce geste ? Je ne suis pas sûre de le savoir moi-même. Est-ce possible d’être au clair avec tout ça, quand il s’agit de travailler en laissant parler l’inconscient ? La seule chose dont je serai certaine c’est de mon envie de le faire ou pas. La limite est celle-ci : ça doit pouvoir être proposé, et ça doit pouvoir être refusé. »

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