Abandonner ma mère, me restera-t-il à abandonner ma mère ? Oui, bien sûr, c’est un rôle qui m’a habité, ma mère, oui, bien sûr. Des exorcismes, des voyages, une autre vie… Il ne faut pas trop penser aux morts. Il faut penser à eux comme ils étaient. Pas morts. Mais ma mère, elle était, elle était… c’est difficile à dire, morte et pas morte comme un roman très difficile où il y a tout…
Je suis une vieillarde et ça ne fait pas une histoire
J’ai regardé encore (pour la millième fois) l’extraordinaire « Portrait-souvenir » sur Marcel Proust que l’on trouve sur YouTube, extraordinaire parce que parlent ici ceux qui l’ont fréquenté — et la concomitance avec Don Quichotte me frappe. Une vocation, c’est-à-dire une vie dédiée (à une œuvre), une idéologie puissante, personnelle, de la folie de laquelle on ne peut pas démordre (dans le cas de Proust : la solitude inaliénable de l’être humain, le faux, l’impossibilité de toute relation humaine, amour, amitié) et l’extraordinaire courage pour retourner le monde, le redonner, le renommer, le monde, à son idée personnelle, pour le recomposer, pour le faire exister exactement comme un monde libre et neuf, comme un monde personnel non reconnu par les autres au premier stade, mais qui sera reconnu plus tard par la notoriété. Un monde introspectif pour se connaître soi. A partir de là, toutes les extravagances, on se balade dans la réalité comme un clown, en inversant la nuit et le jour, en amusant la galerie, hypersensible, en n’étant — très sérieusement — qu’au service de l’œuvre, de la grande œuvre, exactement comme le dit Nehémie dans la Bible (en substance car c’est plus long et plus beau) : « J’accomplis un grand travail et je ne puis en descendre », en faisant face avec courage, en combattant avec lucidité les ennemis-enchanteurs prêts, toujours, à détourner de l’accomplissement de l’œuvre, allant même, dans le cas de D Q, jusqu’à voir s'en publier un plagiat, des pages et des pages d’une œuvre fausse. Et puis, bien sûr, le réel finit par regagner, le temps d’accomplissement se fane… Mais peut-être que, comme Proust, D Q, avec l’aide de ses scribes narrateurs et des lecteurs, réussit aussi à mettre le mot « Fin » à son œuvre avant de mourir, à ne pas laisser l’œuvre inachevée : un monde mort (la chevalerie) continue d’exister ; un monde sorti des livres donc du passé, exhumé et réalisé, retourne au Livre — à la fin du livre, le livre commence —, à la parole voyageuse, divine, sans fin, pour les siècles des siècles
« C’est le Dieu du ciel qui nous fera réussir, et nous, ses sujets, nous nous levons et bâtissons »
Lire, c’est souvent (essentiellement ?) penser à sa vie comme un tel échec (douleurs données, douleurs reçues, disons) qu’il n’y a plus que les mots (qu’on les comprenne ou non ou seulement en partie) pour survivre. C’est peut-être ça, lire…
Il fut un temps où la colère était un péché. Au point (si vous me permettez un souvenir personnel) que Claude Régy, dans ses cours ou ses mises en scène, affirmait que la colère était aussi une énergie positive, un déferlement d’énergie qu’on pouvait admirer, mais il le disait parce qu’il aimait prendre le contre-pied. C’était un temps où être artiste, c’était prendre le contre-pied (il aurait voulu démontrer aussi qu’on vivait — ou peut-être seulement lui ? — dans un matriarcat, plutôt que dans le patriarcat que tout le monde vilipende — ce temps n’est peut-être pas totalement différent du nôtre —). Mais la colère, autrefois péché mortel, est maintenant porter aux nues : vive la colère ! la colère rien-que-ça-de-vrai ! la colère plus-vraie-tu-meurs ! la sainte colère ! la colère en-veux-tu-en-voilà ! Il faudrait donc qu’un Claude Régy (qu’un artiste, quoi) prenne le contrepied et prône les énergies de la tendresse, de la compassion, du pardon, de la charité, de la tolérance…
Mais ce temps a eu lieu et j’étais cet artiste. Dans quel temps, mon Dieu, vivons-nous ?
« Toute quête, répondit Quichotte, se déroule à la fois dans la sphère du réel, ce que les cartes [routières] nous enseignent, et dans la sphère du symbolique dans laquelle les seules cartes sont celles que nous avons, invisibles, dans l’esprit. Cependant, le réel est aussi le chemin vers le graal. Nous poursuivons certes un but céleste, mais n’en devons pas moins emprunter les autoroutes. » (Très belle page 149, je ne recopie pas tout)
Einstein essaye de comprendre les lois de l’univers. Mais c’est imaginer que l’univers possède une rationalité. Une rationalité qui nous échappe. Hors il y a une limite à ça, c’est la rationalité. L’univers est peut-être plus certainement fou. (Je ne sais plus où j’ai lu ça)
Mon corps tout contre ton corps évoqué par tel
Alors, t’as réussi à dire beaucoup de mal de moi, aujourd’hui ? C’est ta principale activité amoureuse, non ?
« Je soupire au défaut des défuntes pensées »
« la nuit sans date de la mort »
J’étais heureuse de personne, mais de la lumière qui baissait, inconsciente (sur les pages d’un livre que je ne pourrais bientôt plus lire)
Pourquoi ai-je eu cet accident ? Il y aurait tant de réponses. De réponses imaginaires. Parmi le tas, peut-être une seule vérité — ou peut-être que la vérité, s’il y en a une, serait la somme exhaustive — ou non — de plusieurs réponses, de plusieurs hypothèses…
Mes ongles poussent, en tout cas
Si tu as envie de trouver le chemin pour m’aimer…
« et, dune voix empreinte d’une adoration sans espoir »
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