L'épaisseur du silence
L’épaisseur du silence
(Texte commandé pour le journal de Marseille Objectif Danse.)
« It isn’t very important if all we’re doing is dancing forever on the edge of the abyss. » Michael Moorcock.
Daniel Larrieu, me raconte Jonathan Capdevielle* à l’instant – parce qu’il sait que je suis friand des récits où j’inspire visiblement la passion – un peu comme Picasso disait : « Je n’ai pas d’amis, je n’ai que des amants ! » – Daniel Larrieu qui vient de me programmer à Avignon l’agrippe récemment et lui parle de moi : « Je l’aime autant que je le déteste ! » Suivent dix minutes d’explications et de drague mélangées comme Daniel en a le secret : il m’aime et il me déteste. Il m’aime parce qu’il m’aime (moi aussi, je l’aime) et il me déteste à cause de mon esprit de dérision, de mon ironie en particulier à l’égard de la danse qui se doit de révéler, pour Larrieu, « l’épaisseur du silence ». Dans le spectacle d’Avignon, La Descendance, Hélèna Villovitch me faisait dire : « Moi, ce n’est pas après avoir travaillé sept ans avec Claude Régy et quinze ans avec François Tanguy que je vais, maintenant, m’intéresser à l’épaisseur du silence ! » Elle me faisait ajouter : « Non, moi, ce qui m’intéresse, c’est de montrer mes fesses ! » Eh bien, c’est le moment de le dire plus calmement puisque ma femme me laisse parler : je m’intéresse aussi, comme Daniel le pressentait, à l’épaisseur du silence – j’allais dire : « l’écriture » du silence car je n’ai pas seulement travaillé avec Claude Régy, j’ai aussi lu passionnément Duras ! Marguerite Duras disait qu’elle gardait toutes mes lettres dans le premier tiroir de la commode, là, et qu’un jour prochain, elle en ferait un livre. Elle disait aussi d’autres choses et d’autres choses merveilleuses. Le quinze août, on répandait les cendres de ma cousine Hélène sur la mer. Oui, je m’intéresse à l’épaisseur du silence parce que je suis comme tout le monde : moi aussi je suis paumé, alors : j’écris. J’ai une femme, j’aime ma femme et j’écris des poèmes, des lettres, des adresses et – voyez-vous – je rêve à chaque fois de faire un spectacle sans ironie et sans la détresse de la dérision, mais – le voyez-vous ? – l’absurdité du monde me rattrape ; je veux dire : pas les animaux, pas la nature, pas la beauté, mais la manière dont les choses se sont imbriquées dans la société des hommes. Le stress. François Tanguy, l’autre fautif parmi mes géniteurs, disait souvent : « Pourquoi l’humanité en est-elle encore là ? » Ce matin, voyez-vous, je reviens de vacances (sur une île de l’Atlantique) et je retrouve à Paris les titres de journaux : Y A-T-IL UN PILOTE – MICHEL SARDOU VICTIME D’UN ESCROC – LE PÉDOPHILE SORTAIT JUSTE DE PRISON (« Libération », « Ici Paris », « Le Parisien ») « J’en ai assez vu ! », me dis-je. Et : « Soit je retourne illico à Ouessant, soit je rigole. » J’ai rigolé – parce que j’allais à mon cours de danse !
YNG, vendredi 17 août 2007.
* à moins que ce soit Thomas Scimeca, peut-être. Tous les deux beaux garçons, de toute façon.
(Texte commandé pour le journal de Marseille Objectif Danse.)
« It isn’t very important if all we’re doing is dancing forever on the edge of the abyss. » Michael Moorcock.
Daniel Larrieu, me raconte Jonathan Capdevielle* à l’instant – parce qu’il sait que je suis friand des récits où j’inspire visiblement la passion – un peu comme Picasso disait : « Je n’ai pas d’amis, je n’ai que des amants ! » – Daniel Larrieu qui vient de me programmer à Avignon l’agrippe récemment et lui parle de moi : « Je l’aime autant que je le déteste ! » Suivent dix minutes d’explications et de drague mélangées comme Daniel en a le secret : il m’aime et il me déteste. Il m’aime parce qu’il m’aime (moi aussi, je l’aime) et il me déteste à cause de mon esprit de dérision, de mon ironie en particulier à l’égard de la danse qui se doit de révéler, pour Larrieu, « l’épaisseur du silence ». Dans le spectacle d’Avignon, La Descendance, Hélèna Villovitch me faisait dire : « Moi, ce n’est pas après avoir travaillé sept ans avec Claude Régy et quinze ans avec François Tanguy que je vais, maintenant, m’intéresser à l’épaisseur du silence ! » Elle me faisait ajouter : « Non, moi, ce qui m’intéresse, c’est de montrer mes fesses ! » Eh bien, c’est le moment de le dire plus calmement puisque ma femme me laisse parler : je m’intéresse aussi, comme Daniel le pressentait, à l’épaisseur du silence – j’allais dire : « l’écriture » du silence car je n’ai pas seulement travaillé avec Claude Régy, j’ai aussi lu passionnément Duras ! Marguerite Duras disait qu’elle gardait toutes mes lettres dans le premier tiroir de la commode, là, et qu’un jour prochain, elle en ferait un livre. Elle disait aussi d’autres choses et d’autres choses merveilleuses. Le quinze août, on répandait les cendres de ma cousine Hélène sur la mer. Oui, je m’intéresse à l’épaisseur du silence parce que je suis comme tout le monde : moi aussi je suis paumé, alors : j’écris. J’ai une femme, j’aime ma femme et j’écris des poèmes, des lettres, des adresses et – voyez-vous – je rêve à chaque fois de faire un spectacle sans ironie et sans la détresse de la dérision, mais – le voyez-vous ? – l’absurdité du monde me rattrape ; je veux dire : pas les animaux, pas la nature, pas la beauté, mais la manière dont les choses se sont imbriquées dans la société des hommes. Le stress. François Tanguy, l’autre fautif parmi mes géniteurs, disait souvent : « Pourquoi l’humanité en est-elle encore là ? » Ce matin, voyez-vous, je reviens de vacances (sur une île de l’Atlantique) et je retrouve à Paris les titres de journaux : Y A-T-IL UN PILOTE – MICHEL SARDOU VICTIME D’UN ESCROC – LE PÉDOPHILE SORTAIT JUSTE DE PRISON (« Libération », « Ici Paris », « Le Parisien ») « J’en ai assez vu ! », me dis-je. Et : « Soit je retourne illico à Ouessant, soit je rigole. » J’ai rigolé – parce que j’allais à mon cours de danse !
YNG, vendredi 17 août 2007.
* à moins que ce soit Thomas Scimeca, peut-être. Tous les deux beaux garçons, de toute façon.
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